Quelques danses plus tard, une procession s’en alla vers le temple où Alissandre et Zaerinn allaient effectuer leur retraite. Une seconde se forma autour du couple impérial, ils marchèrent jusqu’à la forêt en direction de l’océan puis Varad prit la main de Neïla et les téléporta jusqu’au temple, celui-ci étant bien trop loin pour que les invités puissent les y accompagner. Les lieux qu’ils avaient découverts quelque temps plus tôt avaient revêtu pour l’occasion un manteau de fleurs. Le chemin y menant était recouvert de pétales blancs et de feuilles, éclairé par des torches, la porte surmontée d’un dais végétal d’un camaïeu de rouge du plus vif au plus sombre. Quand ils franchirent l’entrée, un parfum fleuri les accueillit, partout ce n’était que bouquets et guirlandes. Le hall d’entrée, une pièce en arc de cercle scintillait sous l’éclairage de dizaines de bougies, les ombres mouvantes, la décoration, tout cela créait une ambiance bien différente, accueillante et douce.
Une prêtresse, toute de rouge vêtue, s’avança vers eux et leur proposa une coupe de nectar de fleurs, une boisson un peu sirupeuse à la saveur parfumée. Elle leur désigna à chacun une porte dissimulée et les invita à la franchir. Varad et Neïla se retrouvèrent séparés, chacun dans une nouvelle salle aux dimensions modestes éclairée par une lumière diffuse et de fines tentures écarlates pendaient du plafond. Neïla regarda autour d’elle, curieuse, un léger bruit de tissu froissé la fit se retourner et elle vit trois silhouettes sortir de derrière un pilastre finement décoré de runes et de créatures fantastiques qu’elle n’avait jamais vues. Les femmes toujours sans un mot la déshabillèrent, l’invitèrent à entrer dans un bain situé dans une alcôve. Après un bain relaxant et un massage, on lui noua autour de son corps un large tissu arachnéen d’un bordeaux profond, ses cheveux lissés retombaient jusqu’au bas de son dos. Une des prêtresses la prit par la main et lui fit franchir une nouvelle porte. Neïla se retrouva dans une vaste salle de ce qu’elle pouvait en juger tant elle était faiblement éclairée par de simples bougies, elle devinait les formes des colonnes et la surface réfléchissante d’une eau de laquelle s’échappaient des effluves parfumés fort agréables. Détendue, la jeune femme se sentait bien, apaisée. Elle remarqua la présence de Varad venant vers elle vêtu d’un long pagne noué sur ses hanches. Elle prêta à peine attention aux signes cabalistiques dont ses bras étaient couverts jusqu’aux épaules. La jeune princesse ne vit que ses iris écarlates quand près d’elle, il se retourna pour l’inviter à le suivre. Il prit la main de sa jeune épouse et s’avancèrent vers le bassin. Descendirent quelques marches et entrèrent dans l’onde tiède dont le parfum les entoura. Il leur sembla que leurs perceptions changeaient légèrement, les couleurs paraissaient devenir plus chatoyantes, les formes onduler doucement. Plus ils avançaient et moins ils avaient conscience de ce qui les entourait. Au début Varad tenta de lutter contre ces sensations, mais malgré toute sa magie il ne put y parvenir, arrivé au bout du bassin il ne songeait qu’à s’étendre et goûter aux plaisirs qu’on pourrait lui offrir. Il lui sembla que la réalité s’altérait, mais il n’était plus très sûr de pouvoir faire confiance à ses sens. Ils se retournèrent l’un vers l’autre, s’observèrent et Neïla était pour parler quand une voix douce se fit entendre. Le couple se retourna et découvrit une prêtresse encapuchonnée dont le visage était pour ainsi dire entièrement dissimulé, ils ne purent voir les yeux orangés à la pupille verticale, reptilienne.
— Mes amis, partagé avec moi la coupe d’union.
Elle leur tendit une large coupe où ils distinguèrent un liquide opalescent, ils y trempèrent leurs lèvres et burent son contenu. Ils firent quelques pas derrière la « femme ». Quand elle s’effaça, ils découvrirent la chambre nuptiale comme voilée derrière un rideau intangible, lorsqu’ils le franchirent il leur sembla changer de réalité. La boisson qu’ils avaient consommée paraissait remplacer leur propre sang, les sensations étranges, la chaleur qui se dégagea de leurs entrailles leur était inconnue. La pièce où il se trouvait était une invitation à s’étendre avec son immense lit recouvert de soie ivoirine, ses fines tentures, ses coussins moelleux d’or pâle, ses coupes de fruits ou de boissons sur de délicates tables de bois ciselé. Un feu doux parut prendre naissance au creux des reins de Neïla, elle avait tant envie qu’on l’apaise, elle se retourna vers Varad dont le pagne trempé moulait toutes ses formes. La manière dont il la regardait, ses iris flamboyants lui donnèrent envie de les embrasser, elle tendit la main vers son mari et dès cet instant aucun des deux ne maîtrisa ce qui allait se passer. Il n’avait qu’un seul désir assouvir la soif brûlante qui les engloutissait complètement. Le baiser de Varad la submergea et c’est avec délice qu’elle s’offrit à ses étreintes avec une telle faim. Ils ne pouvaient qu’écouter leurs corps, leurs désirs et le plaisir qui s’ensuivit. Il n’y avait que ça. Entièrement soumis à leurs besoins charnels que la drogue avait révélés, exacerbés, ils ne virent pas le temps passer. Ils assouvirent leurs besoins jusqu’à l’épuisement. Enfermés dans une réalité alternative, où le temps était différent, il n’y eut pendant des heures que l’écho de leurs gémissements, de leurs soupirs, de mots étouffés, du froissement des draps que l’on étreint. Épuisés, leurs corps douloureux, ils s’endormirent l’un contre l’autre. Après des heures de sommeil bien méritées, Varad s’éveilla et sentit le corps de la princesse contre le sien, bien qu’il ait retrouvé ses esprits, son corps lui se souvenait de tout ce qu’il avait ressenti au cours de ces étreintes passionnées et réagissait au contact de Neïla. Elle s’éveilla à son tour, s’étira sous le regard affamé de l’impérial et quand leur regard se croisèrent il sut à cet instant qu’elle était habitée par le même désir. Sans un mot, ils firent à nouveau l’amour, mais parfaitement conscient de ce qui les entourait. À chaque baiser, à chaque mouvement, un désir brûlant les parcourut une nouvelle fois. Ils se souvenaient de tout, de leurs baisers, des caresses échangées, de la sensation du sexe dur et chaud de Varad la pénétrant. De leurs halètements, de leurs cris de plaisir et ils en voulaient encore. Ils ne se posaient pas encore de questions sur les conséquences de leurs actes. Après une longue étreinte pleine de plaisirs et de sensations, il fut temps de quitter le temple. Même si eux n’en avaient pas eu conscience, trois jours s’étaient écoulés. Après un ultime baiser langoureux, la prêtresse qui les avait menés à leur chambre, les invita à en sortir, ils repassèrent par le bassin, quand ils le quittèrent, il leur sembla être complètement reposé, détendu. Une douche rapide s’en suivit et on leur apporta des vêtements propres. Une simple tenue traditionnelle d’un tissu noir et doux. On leur tressa leurs longs cheveux puis quand ils quittèrent la pièce où ils se trouvaient, ils se retrouvèrent devant le temple, quand ils se retournèrent vers la bâtisse celle-ci avait retrouvé son aspect originel. Quant à eux, ils avaient la sensation d’être passés d’une dimension à une autre. Varad, lui, en était certain. Il pensait que ce temple était une ouverture vers un plan démoniaque ou tout simplement une réalité alternée, mais il penchait davantage vers la première idée. Il attrapa Neïla par la taille et ils se téléportèrent au palais royal.
Ils y retrouvèrent toute la famille royale et quand Alissandre croisa le regard de Neïla, ils surent tous deux qu’ils avaient trahi leur promesse. Le sourire épanoui de Zaerinn, la manière dont elle regardait son mari, ses gestes confirmèrent les choses. Les deux cousins ressentirent un nœud douloureux, plus rien ne serait comme avant désormais.
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