Cette idée d’histoire me trotte dans la tête depuis des années bien avant que je n’écrive Dark-Side en 2009. Au départ projet mêlant écriture et art graphique, puis avec le temps, faute de celui-ci, j’ai fini par me dire que ce serait finalement un roman. Il y a quelques mois, j’ai décidé d’en coucher les premières lignes que je vous propose ici

 


 

Prologue

Ce jour, Neïla fêtait ses vingt ans. C’était sans doute le plus beau jour depuis bien des années. Il lui tardait que son père annonce ses fiançailles avec Savin dont elle tenait la main. Tous lui souriaient, l’effroi d’il y avait quelques années semblait oublié. À l’occasion de cette grande fête, les convives avaient revêtu leurs plus beaux atours. La jeune princesse avait troqué ses vêtements de dragonnier pour une robe de soie d’Abylon, la meilleure que l’on puisse trouver sur Nylos. Le vêtement noir était rehaussé de broderies et de pierreries dans tous les tons de mauve jusqu’au violet le plus soutenu. Ses cheveux noirs aux reflets pourpres étaient remontés en un chignon tressé serti de perles mauves de la même couleur que ses yeux. Quand elle s’était regardée dans le grand miroir que sa belle-mère lui avait offert pour ses seize ans, la voix de Nidhügg lui était parvenue. Surprise et ravie d’entendre la voix de l’immense dragon noir qui depuis sept longues années avait choisi de demeurer silencieux.

Tu es magnifique ! On ne regardera que toi aujourd’hui !

Merci. Je suis si contente de t’entendre pourquoi tout ce silence ?

Chut ! Personne ne doit savoir…

Le jeune couple allait d’un invité à l’autre tout à leur bonheur. Un grondement sourd, lointain raisonna, s’amplifia au point de devenir assourdissant. Tous s’étaient tu, le regard inquiet. L’air brasilla. L’atmosphère s’altéra, l’ombre sembla avoir absorbé la lumière puis une lueur violette apparue, ténue et de plus en plus vive. Tous reculèrent à l’apparition de choses dont ils n’auraient su dire qu’elles étaient leur nature. Même le sol se transforma en une substance écailleuse noirâtre parsemée de formes minérales sombres rappelant de grandes épines, un rayon éblouissant frappa le sol et une forme tentaculaire se matérialisa vers le plafond de la salle de réception. Un mélange d’odeurs de souffre, de fleurs fanées, métallique et de moisissures s’éleva dans l’air. Neïla ressentait la peur presque palpable des invités demeurés statufiés par leur terreur. Quant à elle, elle laissa échapper son verre qui vint se briser sur le parquet lustré, puis serra la main de Savin si fort qu’il grimaça de douleur. Des fumerolles s’élevèrent, l’air brasilla de nouveau, sembla s’épaissir et quand il revint à la normale, un groupe d’individus se tenait au milieu de ces choses grouillantes. Les gardes du roi voulurent intervenir, mais un geste du monarque les arrêta net. Les invités fixaient les nouveaux venus dans un mélange d’épouvante et de curiosité. Seuls les plus âgés reconnurent les importuns. Le roi lui savait, il mit donc un pied à terre et salua l’individu aux cheveux blancs et à la haute stature qui marchait vers eux. Tous ses sujets l’imitèrent sans vraiment savoir pourquoi.

— Majesté ! salua le roi.

L’empereur-mage comprirent-ils. Les impériaux… personne ne les avait vus depuis des générations, des siècles même, à tel point qu’il circulait certaines légendes à leurs propos que l’on racontait parfois aux enfants pas sages. Tous connaissaient ces histoires. Neïla vit son peuple éprouver le même effroi que lorsque son dragon-zélotte avait pointé le bout de son nez noir. Elle sentait la puissance magique de l’empereur-mage, un pouvoir sombre, violent.

L’empereur leur ordonna de se relever, la princesse put donc tout à loisir observer ces inconnus. Vêtus de cuir noir et de métal sous d’épaisses capes, les cheveux couleur de neige et d’étranges iris pâles cerclés d’écarlate. Une peau laiteuse et des mains aux ongles si longs qu’ils lui faisaient penser à des griffes.

— Que puis-je pour vous satisfaire ? demanda le roi de Nylos.

— Des femelles ! Nous avons besoin de vos femmes.

« C’était donc vrai ? Parmi les légendes qui courraient l’une d’elles affirmait que les impériaux volaient les femmes sur les planètes qu’ils visitaient… ou pillaient, ils les emmenaient et plus jamais personne ne les revoyait. »

Un des impériaux observait Naëlys depuis leur arrivée, il ne la quittait pas des yeux. Une silhouette plus haute que les autres se détacha, le visage entièrement dissimulé par une capuche et un masque d’où seules quelques mèches immaculées s’échappaient.

C’était donc elle que sa mère, la Sorcière Rouge, avait choisi, il y avait des années. L’impératrice avait, en secret, lié son fils et la seconde fille de son amie d’enfance, devenue reine de Nylos alors que cette dernière attendait une fille. Hélas, Sorania était morte en lui donnant vie. L’épouse de l’empereur-mage lui avait dit à son retour des obsèques :

— Varad, mon fils une enfant, une princesse dragon est née au sein du royaume de Nylos, je veux que tu l’épouses ! Dans vingt années tu iras la chercher, le jour de son anniversaire.

Varad, son fils aîné lui avait juré de répondre à sa dernière requête quelques années plus tard quand sa mère s’apprêtait à rendre son dernier souffle. Le jeune héritier âgé alors de dix-sept ans avait accompagné sa mère dans sa dernière retraite et avait attendu le moment propice.

Aujourd’hui, il était là face à celle que sa mère lui avait destinée.

L’être s’avança. Le pouvoir percuta Neïla de plein fouet, elle le ressentit jusque dans ses entrailles avec la sensation que ses cheveux s’étaient dressés sur son crâne. Elle peina à réprimer un frisson. Le pouvoir sourdait de cet être plus fort encore que celui de l’empereur-mage. La jeune femme recula subrepticement, la main de Savin serra la sienne un bref instant avant de la lâcher avec la sensation que sa peau le brûlait, pourtant elle était intacte.

Une voix gutturale aux accents brutaux retentit alors quand il pointa un doigt agressif vers la princesse.

— Neïla ! Elle, elle sera la mienne.

— Soit, ajouta l’empereur et celle-ci sera… dit l’empereur en désignant Aëlis.

— Elle sera pour mon frère !

— Bien ! Qu’on emmène aussi celle-ci ordonna l’Empereur en montrant Saura, la cousine des deux princesses-dragon.

— Non ! Elle n’a que seize ans ! protesta Neïla en se jetant devant sa petite sœur.

— Comment oses-tu ! s’insurgea l’empereur prêt à frapper, le bras levé.

Un geste de son fils lui rappela qu’il acceptait de répondre à sa requête, qu’il choisirait lui-même celle qu’il épouserait. Après tout lui-même avait choisi la Sorcière Rouge. Le cœur du roi se déchirait à cet instant, sa plus jeune fille venait de lui être volée, sa nièce préférée… en cet instant ils vivaient tous les derniers moments ensemble, alors il rassembla son courage et osa demander à l’empereur.

— Majesté, permettez que l’on organise la cérémonie dans mon palais…

L’empereur se retourna vers le roi d’un mouvement brusque, le regard assassin. Le père de Naëlis sentit une force immatérielle lui enserrer la gorge, il tomba à genoux, ses mains sur son cou, il étouffait et sentait son heure arriver quand pour la seconde fois l’héritier intervint.

— Ce pourrait être une bonne chose, cela pourrait renforcer notre position. Je souhaiterais rester sur Nylos quelque temps. Bientôt, je vais vous succéder. Je voudrais connaître ce peuple si étrange.

L’empereur haussa les épaules en se disant pourquoi pas et relâcha la pression étouffant le roi de Nylos. Après tout les nombreuses guerres avaient affaibli sa position, tous ses sujets semblaient le voir comme un monstre, mais tous en avaient peur. Il réfléchit quelques instants et approuva.

— Bien tu resteras ici le temps d’un cycle lunaire et organisez donc ces noces !

L’air brasilla à nouveau, ces choses rampantes s’animèrent encore une fois et l’empereur, son fils et leur garde disparurent aux yeux des Nylos.

Personne n’osa bouger de peur de tomber foudroyé puis ils sortirent de leur torpeur.


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