Lorsque Justine poussa la porte de sa chambre, elle retrouva son univers, la pièce pas très grande était son refuge, son lit à une seule place occupait le mur face à la fenêtre, une armoire à deux portes, une commode et un petit bureau en étaient les seuls meubles de bois laqués de blanc. On n’apercevait presque plus la tapisserie grise aux petites fleurs roses sous le nombre de photos recouvrant les murs. Des clichés où l’on ne voyait que Stan, des clichés du concert avaient remplacé les plus anciennes prises ou celles qui lui plaisaient le moins. Justine avait gardé à l’abri de tous regards les tirages qu’elle avait faits lorsqu’elle sortait avec Stan. Deux nus du jeune homme décoraient la face interne des portes de son armoire. Lorsqu’elle était allongée, elle laissait l’un des panneaux ouvert et pouvait ainsi voir l’une de ses photos cachées. Sur la tablette qui lui servait de table de nuit, un portrait encadré du chanteur semblait la regarder. Stan était partout jusque sur son ordinateur, il était en page d’accueil, sur son bureau et même sur l’écran de son smartphone.
La jeune femme, du même âge qu’Iwan, était ravie, elle venait de recevoir l’aval de l’académie, elle pouvait refaire sa seconde année de préparatoire et la veille ses parents lui avaient donné les clés d’un petit T2 qu’ils lui avaient loué dans le centre ville. Justine adorait la vielle cité médiéval et se retrouver dans un de ces bâtisses du Moyen Age l’enchantait. Il lui tardait d’emménager, d’avoir son chez elle même si elle devait compter sur les largesses parentales pour vivre.
***
Fin août,
Lan Anh et ses enfants s’engouffrèrent dans la Juke, une fois les valises mises, laissant Paris derrière eux. Mathias boudait à l’arrière, mécontent de quitter la capitale, ses potes, les soirées. Les écouteurs sur les oreilles il regardait les rues défilées, puis le périf et pour finir l’autoroute, pendant que Sophie un peu inquiète posait de multiples questions à sa mère. La jeune fille entrait en seconde et laissait sa meilleure amie, celle avec qui elle avait tout partagé depuis la maternelle. Élodie lui avait promis la veille encore de l’appeler tous les jours et Paris n’était pas si loin. Trois heures de train ou de voiture et l’affaire était faite.
— Tu crois que ce nouveau lycée sera bien, que je vais me faire des copines ? Tu crois que je ne vais pas me faire regarder de travers ?
— Mais ma chérie Montluçon est une ville assez grande, tu rencontreras plein de gens tout comme tu l’aurais fait à Paris si nous y étions restés… tu aurais aussi changé à cette rentrée, tu n’es plus une petite fille.
Mathias poussa un long soupir agacé, ôta ses écouteurs.
— Qu’est ce qu’elle a la naine à pleurnicher ?
— Mathias ! Sois un peu gentil avec ta sœur !
— Oui maman… et il remit l’appareil sur ses oreilles et se coupa de tout.
— Pourquoi on n’est pas resté ? insista Sophie.
— On a déjà eu cette discussion des dizaines de fois… ton père a un nouveau poste très intéressant et… on ne voulait pas rester, de toute façon on aurait quitté la ville, l’opportunité s’est présentée et voilà tout.
— Oui, mais regarde Mathias, il repique sa terminale dans un nouveau lycée… il aurait pu rester, devenir interne, vous auriez pu lui prendre un studio…
— Non ! Il en est hors de question et tu sais très bien pourquoi. Une nouvelle année loin de ces fameux copains ne pourra que lui être profitable… si nous étions restés, va savoir où nous l’aurions retrouvé et dans quel état.
— Maman… que vais-je faire sans Élodie ?
— Élodie par ci Élodie par là, tu ne vas pas faire ta vie avec ton amie. Tu vas te faire plein de nouvelles copines.
— Mais Élodie c’est ma meilleure amie et tu le sais bien. Elle va me manquer.
— Vous êtes toujours en train de vous plaindre… tu as un téléphone, Internet, une tablette et un ordinateur portable… vous passiez déjà des heures devant ces machines à papoter ça ne changera pas grand-chose. Mais vous verrez votre père a envoyé quelques photos il y a un grand jardin, une piscine dans un quartier très agréable à un quart d’heure du lycée.
— Super… marmonna Sophie.
Les trois heures d’autoroute passèrent rapidement. Il était à peine onze heures quand la voiture prit la bretelle en direction de leur destination. En cette fin août, la ville commençait à peine à revivre, les gens rentraient de vacances, quelques touristes demeuraient encore là. Mathias leva à peine le nez pendant qu’ils traversaient l’agglomération en direction du quartier Saint Jean au sud de la ville auvergnate. Lors qu’ils passèrent à proximité du lycée George Sand, il garda le nez sur son portable, Sophie ne vit qu’une butte, un grand portail et des arbres. L’automobile remonta l’avenue Kennedy et quelques minutes plus tard la Juke caramel se garait devant une belle villa contemporaine. Le quartier résidentiel un peu en bordure de la ville était fort agréable avec un immense parc arboré à proximité, un château, le stade hippodrome ou Paul allait courir tous les matins. Il accueillit sa famille avec grand plaisir. Deux jours plus tôt les déménageurs avaient tout emmené, les meubles, les livres, bibelots… s’il y avait encore beaucoup à faire le principal était en place lorsque la petite famille se retrouva après deux mois de séparation.
Lan Anh était parti en Espagne avec les enfants pendant une quinzaine de jours, son mari n’ayant pas de congés cette année-là. Puis il avait fallu mettre l’appartement parisien en vente, emballer les affaires, régler bon nombre de choses. Paul lui s’était occupé de trouver la villa, inscrire ses enfants au lycée. Mathias en terminale littéraire option musique tandis que sa sœur entrait en seconde, la jeune fille avait choisi une troisième langue et une option en arts plastiques. Il espérait tant que tout se passerait bien que cette nouvelle vie moins stressée leur serait profitable.
— Je vous fais faire le tour du propriétaire ?
Un grognement inarticulé lui répondit, Mathias toujours la musique à fond dans les oreilles suivit son père de mauvaise grâce. La villa affichait de beaux volumes avec son séjour-salon donnant sur une grande terrasse et une véranda pouvant faire office de jardin d’hiver, la cuisine américaine avait également une ouverture sur le jardin où trônait un grand barbecue. Sophie fut ravie en découvrant la piscine, elle qui s’était attendue à un bac où barboter en découvrait une véritable au bord de laquelle elle pourrait se prélasser encore quelques jours.
— Attends de voir ta chambre et celle de ton frère.
Les chambres à l’étage, avec une petite mezzanine où d’office leur mère déclara qu’elle y ferait un petit bureau, permettaient aux adolescents d’avoir chacun un véritable espace bien à eux. Elle fit le tour de la pièce découvrant un modeste dressing ainsi qu’une salle de bain pour elle seule. Les trois chambres bénéficiaient de leur espace de sanitaires privés, fini les disputes du matin pour libérer l’une des salles de bain de l’appartement parisien.
— Il ne vous reste plus qu’à ranger tout cela comme bon vous semble.
En effet les cartons de vêtements, de livres, les Cds, et autres jeux vidéo étaient toujours emballés et occupaient encore une bonne partie de l’espace. Au rez-de-chaussée, une chambre d’amis et un grand bureau transformé en bibliothèque où les chers ouvrages des parents Nguyễn attendaient de retrouver les rayonnages.
Sophie sauta au cou de son père.
— Papa c’est géant… Élodie va être verte quand elle viendra.
— Aux vacances de novembre si tout va bien.
— Si on allait manger un morceau, là je n’ai pas eu le temps de faire les courses. On va manger en ville ça vous fera l’occasion de découvrir la vieille ville… ensuite on ira faire les courses et on continuera de ranger.
Ils remontèrent dans la Juke et se dirigèrent vers le centre-ville. Après s’être garée près du parc Wilson, la petite famille se dirigea vers la ville médiévale aux rues pentues. Mathias adorait le charme des vieilles pierres et partageait autrefois cet amour avec sa mère tandis que Sophie était plus branchée nouvelle technologie comme son père. Le jeune homme marchait derrière regardant les vieilles bâtisses, la cathédrale près de laquelle les restaurants se situaient. Bon nombre de gens étaient déjà attablés en terrasse abritée par des dais de toiles. Par chance, ils purent avoir une place dans une des pizzerias. Pendant que leurs parents discutaient de l’avenir de la famille, de la rentrée scolaire, les deux ados mangeaient en silence, perdus dans leurs pensées. Un nouveau lycée, loin de la ville qui les avait vu grandir, c’était aussi devoir s’intégrer à nouveau, se faire de nouvelles connaissances… Mathias en voulait à Paul, quitter Paris l’avait aussi obligé à renoncer au groupe dans lequel il jouait depuis plusieurs années. Quand ils en avaient discuté, Paul avait refusé qu’il remonte les week-ends pour retrouver les musiciens. Il lui avait répondu qu’il en trouverait bien d’autres à Montluçon. La discussion avait été houleuse, Mathias reprochant à son père son manque de tolérance d’autant plus que lui-même fut jadis musicien… mais avait tout abandonné à sa naissance. Quelques jours plus tôt, ils avaient fait une dernière soirée, joués une dernière fois ensemble avant de se promettre de se retrouver à l’occasion quand il pourrait remonter. En quittant la capitale, Mathias avait tout laissé derrière lui, Kim sa petite amie, Fabien son meilleur pote depuis l’enfance, celui avec qui il avait fait les quatre cents coups, bu sa première bière, fumé son premier joint, séché les cours. Il pensait à tout cela et ne fit pas attention à ce qui se passait autour de lui, trop occupé à ruminer sa rancœur.
— Mathias ! Je te parle !
Sophie lui asséna un coup de pied sous la table.
— Un ?
— Je disais donc : tu comptes faire quoi cette année ?
— Je verrai bien, je ne sais même pas ce qu’il y a dans ce coin pourri. Je veux retourner à Paris.
— Non ! On en a déjà parlé plusieurs fois, il en est hors de question et tu en connais parfaitement les raisons. Il n’y a pas à en discuter !
— Alors, pourquoi me poser la question ?!
Mathias engouffra un morceau de pizza mettant un terme à la discussion. Paul serra le poing, décidément le comportement de son fils l’agaçait, il se tourna donc vers sa fille assise à ses côtés.
— Et toi ?
— On vient tout juste d’arriver, si tu nous laissais le temps de découvrir la ville et ses possibilités peut-être que l’on pourrait te répondre. On va déjà aller au lycée et je crois qu’on pourra te répondre d’ici quelques semaines.
— Sage réponse renchérit sa mère. C’est vrai, on vient tout juste d’arriver. Laisse-les souffler un peu. Je suis certaine qu’ils trouveront plein d’activités… Mathias a déjà son bac à passer. Laisse-les se faire de nouveaux copains.
— Si c’est pour s’en faire du même genre qu’à Paris…
Pour une fois que leur mère prenait leur défense…
Mathias repoussa son assiette et quitta la table. Il en avait assez des reproches incessants, son père ne pouvait-il pas comprendre qu’il voulait qu’on lui fiche la paix ? Le jeune garçon sortit du restaurant, Sophie à ses trousses.
— Mathias ! Attends-moi !
Il ignorait où il se rendait, mais le GPS de son téléphone l’aiderait bien à retrouver son chemin. C’était toujours la même chose, il ne se passait pas un jour, un repas sans que les rapports entre père et fils ne tournent pas à l’affrontement. Sophie courut pour rejoindre son frère, elle posa la main sur son épaule.
— Mathias, s’il te plaît.
— Fous-moi la paix !
— Où vas-tu aller ?
— J’en sais rien, retourne manger.
Sophie insista et Mathias finit par faire volte-face, il lui hurla dessus de partir, de rejoindre ses parents. Elle obéit et retourna au restaurant où ses parents continuaient leur repas.
— Où est ton frère ? demanda madame Nguyễn.
— Je n’en sais rien, il m’a envoyé balader. Peut-être que si vous arrêtiez d’être sur son dos…
— Voilà qu’elle s’y met aussi ! Faites des gosses ! On finit de manger et il se débrouillera pour rentrer.
— Mais papa !
— Il a son téléphone ? Il trouvera bien comment rentrer.
Une fois le repas fini, ils rejoignirent la voiture et partirent faire les courses. Lorsqu’ils rentrèrent à la villa Mathias attendait assis près de la piscine. Il n’adressa la parole à personne, monta dans sa chambre et se mit en devoir de ranger ses affaires après avoir fermé la porte de sa chambre. Ses guitares rangées, ses partitions et CDs classés, il défit le reste de ses affaires.
Sophie après avoir aidé à ranger les courses monta dans sa chambre pour la ranger à son tour. Ses livres d’un côté, son ordinateur sur son petit bureau, le dressing fut rapidement à moitié plein. Un paquet arrivé deux jours avant par la poste attendait derrière une pile de cartons vides, quand elle l’ouvrit, elle découvrit que sa meilleure amie lui avait envoyé un album de photos qu’elles avaient prises au cours des années, des selfies faits pendant l’été. Un carnet décoré de la main de Élodie qui s’était prise de passion pour le scrapbooking deux ans plus tôt. L’ouvrage à la couleur préférée de la jeune fille était orné d’un gros nœud de satin et de perles bleus. Un petit mot l’accompagnait :
Ma chérie
Pour ta nouvelle vie ce journal que j’espère tu rempliras bien vite en pensant à ta meilleure amie qui t’aime.
Bisous
Élodie
Elle le rangea dans le tiroir de sa table de nuit au côté de son stylo plume fétiche, que son frère lui avait offert des années plus tôt. Dès que tout fut rangé, Sophie envoya un SMS à son amie. Elle s’installa à son bureau et mis son PC portable en marche. La webcam activée, bientôt la frimousse de son amie restée à Paris s’afficha sur l’écran, une adolescente souriante avec encore quelques rondeurs de l’enfance entourées de cheveux blonds lissés et d’une paire d’yeux noisette.
— Alors, raconte-moi tout ! C’est comment ?
— Attends, je te fais voir.
Sophie prit le portable dans ses bras, déambula dans sa nouvelle chambre et montra la pièce à son amie, le dressing, la salle de bain privée.
— Waouh c’est géant ! Quelle chance tu as !
— Tu vas adorer, il y a un grand jardin, une piscine, un grand garage sous la maison. C’est génial.
— Une piscine ? Oh super, on va s’éclater quand je vais venir te voir.
— En novembre, je crois qu’il fera un peu froid. Mais mon père dit qu’on pourra faire plein de trucs pendant l’été et il y a des stations de ski pas trop loin, on pourra faire de la randonnée… du canoë.
— Tu es à la campagne ? fit Élodie une petite mou déçue aux coins des lèvres.
— Oh non pas du tout, il y a plein de magasins en ville, il y a une Fnac, un Cultura, je n’ai pas encore tout vu.
— Ton nouveau lycée, il est comment ?
— Je ne sais pas, on doit y passer demain.
— Il me tarde lundi prochain. Et Mathias comment va-t-il ?
Élodie avait toujours eu un petit faible pour le frère de son amie sans oser quoi que ce soit. Elle aimait les traits fins, ses grands yeux noirs et ses cheveux décolorés soigneusement dépeignés.
— J’en sais trop rien, il est dans sa chambre et il s’est encore engueulé avec mon père. Il est tout le temps sur son dos. Il fait la gueule depuis qu’on est parti de Paris.
— C’est un peu normal, il a perdu ses potes, sa petite amie et son groupe. J’espère qu’il se remettra bien vite. Bon on m’appelle pour manger, fais-lui un gros bisou de ma part. À plus tard, ma chérie, on va au ciné ce soir.
— OK, à plus.
La webcam s’éteignit et Sophie resta quelques instants devant l’écran noir de Skype. Elle se remémora les bons souvenirs que tous trois avaient passés ensemble, les crises de fous rires, le début de l’adolescence et le jour où son amie lui avoua qu’elle aimait Mathias. Lui, il n’en avait jamais rien su ou bien il l’avait fort bien caché… L’entrée en 4e de l’adolescent qui avait dès lors commencé à changer… Sophie l’avait surpris en train de fumer, plusieurs fois elle avait couvert son frère jusqu’au jour où leur mère avait trouvé les restes d’un joint. Sa sœur, elle, elle savait que son aîné ne se contentait pas que d’un peu d’herbes. Il l’avait envoyé promené quad elle le lui avait gentiment reproché en sœur aimante. Ils avaient été si proches l’un de l’autre. Et puis un jour, Mathias avait été arrêté avec quelques-uns de ses copains en possession d’acide et de coke et là, elle n’avait pas pu cacher la réalité à ses parents. Fabien et son frère attendaient leurs parents au commissariat et ce n’était que la première fois d’une longue série. Stupéfiants, bagarre au lycée dont il fut renvoyé pendant quelques jours, vols dans un magasin, vandalisme… Mathias n’avait rien épargné à ses parents, même s’il lui avait interdit de revoir ses copains, le dos tourné il retrouvait sa bande, séchait les cours. La seule chose qui eut un peu de poids fut la menace de lui confisquer sa guitare et lui interdire les répétitions du samedi. En désespoir de cause, la famille Nguyễn Văn Lô décida de quitter Paris.
Sophie qui adorait son frère et qui connaissait fort bien ses copains, les musiciens avec qui il jouait et se défonçait, préféra s’éloigner et les éviter. Puis, elle n’appréciait pas les filles avec qui ils traînaient… elle n’aimait pas Kim, il fallait dire aussi que la petite amie de son frère n’avait rien fait pour se faire apprécier de Sophie, bien au contraire même. Bien qu’elle n’ait qu’un an de moins que son frère, Kim la considérait comme une gamine et se montrait souvent désagréable, mesquine voir même méprisante et Mathias laissait faire.
Leurs parents lui défendirent finalement de suivre son frère quand les ennuis s’amoncelèrent. Ils avaient peur pour elle, même s’ils lui faisaient confiance. L’adolescente plutôt sage savait très bien dire non, mais ils ne tenaient pas à la voir être mise en danger par l’inconscience de son aîné.
Sophie quitta son bureau et décida de tenter d’aller voir son frère dans la pièce voisine. Elle l’entendait jouer depuis un petit moment, elle adorait l’écouter, mais il y avait bien longtemps qu’il ne lui demandait plus son avis quant à ses compositions, qu’elle chantait avec lui.
Quand elle arriva devant la porte, elle frappa, attendit une réponse et était sur le point de faire demi-tour quand l’huis s’entrebâilla et qu’une voix en vietnamien l’invita à entrer.
Timidement Sophie passa la tête et découvrit son frère s’installant sur le sol moquetté. Il ne prêta pas attention à son entrée, il reprit son instrument et joua. Ses doigts couraient sur le manche de sa guitare, légers. L’adolescente resta sur le pas de porte et un signe du musicien lui intima l’ordre de fermer derrière elle. Sans un mot elle s’installa sur le lit et écouta. Elle aimait tant l’écouter jouer et il y avait si longtemps qu’elle n’était pas venue de la sorte. Elle se laissa emporter par la musique, ferma les yeux et bientôt un fredonnement ténu sortit de ses lèvres. Mathias émit un léger sourire, lui aussi il y avait longtemps qu’il ne l’avait pas entendu chanter.
Lan Anh trouva ses enfants ainsi, elle les observa quelques instants et leur demanda de venir dîner. Satisfaite de les retrouver ainsi, elle descendit à la cuisine un petit sourire éclairait son visage, elle posa une main sur l’avant-bras de son mari et lui chuchota qu’elle aimerait que Paul ne fasse pas de remarques à son fils, qu’elle apprécierait de passer cette première soirée en famille en toute tranquillité.
Mathias posa son instrument et tandis la main à sa sœur.
— Chouette ta chambre !
— Oui, elle est sympa… mais j’aimerais bien la redécorer, le papier peint crème à fines rayures bleues ce n’est pas mon truc.
— Oui, on a le même papier.
Ils redescendirent ensemble tout en discutant du dernier morceau de musique qu’il avait composé. Leurs parents les attendaient devant un cocktail de fruits sans alcool bien frais.
— Vous en voulez ? proposa Paul
— Yep, avec plaisir ! lui répondit Sophie qui attrapait déjà deux verres.
Une petite odeur d’herbes grillées embaumait, un barbecue les attendait.
Paul tint parole, il ne fit aucune remarque à son fils, il lui posa même des questions concernant la musique qu’il avait entendue.
— Il y a longtemps que tu joues ce morceau. Il est pas mal du tout, c’est toi qui en es l’auteur ?
— Mmm… oui je l’ai écrit pendant l’été avec quelques autres morceaux… mais il n’y a personne pour les jouer.
— Tu pourrais demander à ta sœur de jouer au clavier, tu en fais toujours au moins ?
— Oui, mais je suis un peu rouillée. Tu trouveras sans doute d’autres musiciens au lycée, tu seras bien en option musique non ?
— J’espère, mais ils se connaissent depuis deux ans et moi je débarque.
— Sais-tu qu’il y a un conservatoire ? lui apprit sa mère.
— Ah oui tu m’intéresses là !
La discussion continua sur le sujet de la musique, des envies de Mathias qui rêvait de devenir professionnel. L’adolescent alla même cherché une de ses guitares, l’ampli et s’installa au salon et improvisa un petit concert privé.
— Ce serait cool si tu voulais bien chanter pour moi, si tu rejoignais un groupe tu as une belle voix.
— Tu sais bien que je déteste chanter devant un public, je perds tous mes moyens.
— Dommage. On devrait monter un groupe de k-pop, dit-il sur un ton ironique. Mathias détestait ce style.
— Tu veux ma mort ! Et puis on n’est pas coréens, mais français.
— Mouais… de toute façon les Français ne font pas la différence entre des Coréens et des viets pour eux on est tous des Chinois et s’imaginent qu’on bouffe du riz à tous les repas. En parlant d’Asiatiques, il y a des épiceries ou des restos ?
— Oui il y en a pas mal. Après je ne les ai pas testés. Il faudra que je vous emmène où vos arrières grands-parents sont arrivés en 1956 avec votre grand-père. Ce n’est pas très loin d’ici, je pense que ça te plaira Mathias. On pourrait peut-être faire ça avant la rentrée. Ça vous dirait ? Il y a une belle pagode et un très beau jardin.
— Tu y es déjà allé cet été ?
— Oui pendant que vous étiez parti en vacances sur la côte, j’avais envie de voir cet endroit. Les parents de ta mère y ont fait aussi un séjour.
— J’y suis même née, mais j’étais toute petite quand mes parents ont rejoint Paris.
— Et vous n’y êtes jamais allé ? demanda Sophie.
— Non, pourtant ce n’était pas si loin de Paris.
— On pourrait y aller samedi ?
— Oui ce serait génial.
— Et toi maman, que comptes-tu faire ? la questionna son fils.
— Je n’en sais trop rien encore. Comme j’ai dû démissionner de mon poste de prof d’anglais et que j’étais dans le privé, je vais peut-être proposer des cours privés ou bien faire toute autre chose, c’est peut-être l’occasion de tenter une nouvelle voie, j’avoue que je n’y ai pas encore vraiment réfléchi. Les nouvelles responsabilités de ton père avec un meilleur salaire, du fait de celles-ci, la vie étant beaucoup moins chère ici, je peux me retourner.
— J’imagine que les loyers sont bien moins onéreux même pour une villa comme celle-ci.
— Probablement… on voulait vous en faire la surprise… on a acheté cette villa.
— C’est vrai ? Oh c’est génial, maman, j’adore !
— Cool ! ajouta Mathias.
— Au fait, je vais devoir m’absenter pendant un certain temps… je pars au Japon le jour de la rentrée, ma boîte m’a demandé de m’y rendre pour voir tout le processus de ce que l’on met en place ici, je vais faire des aller-retour pendant une bonne année.
— Oh… fit Sophie déçue.
Les jours défilèrent à une allure folle, le temps de finaliser leurs installations, les démarches administratives, quelques visites dont celle de la ville, histoire de se repérer. Trouver une auto-école pour Mathias qui allait fêter ses dix-huit ans dans quelques semaines. Changer les assurances des véhicules. Faire le tour des clubs de sport qui ouvraient tout juste leurs portes pour la rentrée. Le lundi matin de la rentrée était là !
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