Vent de panique dans les salons littéraires
Il semblerait que d’étranges phénomènes se produisent depuis quelques mois lors des salons dédiés à la littérature. Nous avions entendu des rumeurs comme quoi des visiteurs s’étaient fait agresser. Vous comprendrez notre stupeur lorsque ces bruits de couloir sont parvenus à nos oreilles. Comment peut-on se faire agresser dans un de ces lieux que l’on imagine sentant un peu la poussière, où des gens aux tempes grisonnantes se penchent religieusement sur ces objets du passé que sont des livres. Où l’on pense aux mots chuchotés entre un lecteur passionné et auteur aussi poussiéreux que ses romans… presque des momies qui s’animent le temps d’un bref échange, d’une dédicace signée d’une main tremblante, fébrile.
Il nous fallait donc vérifier par nous-mêmes.
Nous voici donc partis ce week-end avec l’intention de nous rendre dans un de ces lieux étranges. Nous allions voir de nos propres yeux des livres et leurs auteurs, cette espèce d’humains un peu bizarres. Nous avions choisi un salon de littérature SFFF qu’ils appellent ça. Quel nom curieux. Il paraissait que le phénomène y était plus important… comme nous ne voulions pas paraître trop incultes, nous nous sommes fait expliquer cet acronyme. Que pouvait bien vouloir dire SFFF. On nous répondit sur les réseaux sociaux qu’il s’agissait de Science-Fiction — Fantasy — Fantastique. Bref de la littérature de genre si ce n’est de mauvais genres. Nous avions imaginé de petits vieux derrière des lunettes épaisses et nous allions nous retrouver avec des attardés post-pubères… des espèces de farfelus qui allaient nous parler de petits hommes verts, de trolls et trucs bizarres. Enfin bref. Nous vous voici donc en route pour ce salon de l’imaginaire, rien que ça…
Nos appareils photo sous le bras, une caméra, en gros de quoi enregistrer même si nous ne nous attendions pas à grand-chose de palpitant. Et quelle fut notre stupeur lorsque nous arrivâmes devant les portes largement ouvertes des lieux où se déroulait la manifestation « culturelle ». Des gens au regard hagard sortaient, livides, marmonnant des paroles incompréhensibles puis nous vîmes la première victime… nous n’en revenions pas. Une femme aux cheveux grisonnants tenait sa main en sanglotant, les doigts ensanglantés. C’était donc vrai ? Ces salons de SFFF étaient-ils si dangereux ? Puis nous en découvrîmes une seconde plus jeune avec une petite fille, elle se tenait la joue en prétextant qu’un livre l’avait sauvagement agressé.
Nous entrâmes, un peu inquiet il faut bien le dire… et là stupéfaction ! Une scène d’horreur sans nom nous faisait face. Vous n’imaginez pas ce dont nous avons été témoins. C’était incroyable !
Les gens hurlaient certains couraient en tous sens, le regard affolé, les yeux exorbités, les lèvres tremblantes de terreur. Nous nous approchâmes doucement et nous constatâmes que certains visiteurs repartaient avec des sacs pleins de livres sans aucun problème, le sourire aux lèvres, l’air un peu possédé… allez savoir ce qu’ils avaient consommé… ils semblaient agités d’une fièvre intérieure… nous ne comprenions pas… tandis que d’autres personnes paraissaient ne pas s’approcher de ces livres pleins de couleurs, de scènes de cauchemars sur les couvertures, de vaisseaux sortis tous droit du cinéma… et c’est là que nous le vîmes !
Tout un groupe de livres agressa avec une violence inouïe un groupe d’individus à l’allure tout ce qu’il y a de plus normale. L’auteur prononça quelques mots, ils secouèrent la tête d’un signe négatif et c’est là que ça se produisit. Nous n’osions y croire ! En nous approchant un peu, nous comprîmes qu’il s’agissait de romans fantastiques, les pauvres victimes tentèrent de se protéger, mais rien n’y fit, les livres se précipitèrent sur eux, les mordirent, les griffèrent pire que des animaux sauvages.
— Non, non, hurlaient les visiteurs malmenés. Nous ne voulons pas !
Ils se débattaient ! Les gens criaient de terreur, le regard plein d’effroi, ils s’enfuyaient, poursuivis par des livres qui s’étaient mués en prédateurs ! De vilaines morsures ensanglantaient leurs gorges, leurs visages, leurs mains…
Ce fut avec la plus extrême prudence que nous nous approchâmes de la tablée où il restait une pile de livres frémissants et là — ô stupeur ! —, nous découvrîmes les responsables des folles agressions : des romans de vampires. Pourtant, l’auteure ne semblait pas bien méchante avec son sourire accueillant. Que s’était-il donc produit pour que les livres prennent vie ainsi ? Un jeune homme s’approcha, confiant, malgré la fantasmagorie qui venait de se dérouler sous ses yeux, il prit un livre dans ses mains. J’aurais juré que celui-ci avait ronronné… Il paya l’objet de sa convoitise sans aucun incident déplorable.
Quel étrange phénomène !
Nous conseillons vivement aux imprudents qui oseront se rendre dans un salon SFFF de se munir d’un crucifix en argent, d’une gousse d’ail et de vous asperger les poches d’eau bénite. On ne sait jamais ce qui pourrait vous arriver ! Lire peut s’avérer périlleux.
Nathy, envoyée spéciale
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