Dark-Side III
Chapitre I
Finalement, Nelly savait peu de choses, elle regardait par le hublot de l’hélicoptère l’îlot en contrebas et les interrogations défilaient dans sa tête. Elle observait le comité d’accueil qui les attendait. L’engin se posa sur le modeste héliport et ils descendirent tandis que les hommes de Cathal arrivaient en bateau. La petite délégation leur souhaita la bienvenue et une foule de serviteurs silencieux prirent en charge leurs affaires pendant que les soldats se dirigeaient vers le quartier militaire.
Les yeux de la jeune femme s’agitaient de tous côtés, curieux de découvrir cette communauté presque aussi ancienne que celle d’Edern. Les visiteurs pénétrèrent dans la forteresse par des ascenseurs ultras modernes qui les emmenèrent jusqu’au cœur du bâtiment. Les portes coulissantes s’ouvrirent sur un immense hall d’où descendait un escalier monumental de granit. Les lieux reflétaient un luxe inouï, les boiseries précieuses côtoyaient le marbre et le verre, le métal poli et la pierre volcanique. Un léger parfum aux odeurs marines arriva jusqu’à son nez bientôt remplacé par les effluves de parfums capiteux. Le tout offrait un aspect surprenant, mais magnifique. Un mobilier contemporain de couleurs claires donnait la touche finale. De grands lustres éclairaient la scène ainsi qu’une myriade de minuscules puits lumineux apportait un peu de lumière naturelle au dôme colossal. Des milliers de facettes de cristal renvoyaient leurs rayons et créaient une atmosphère presque irréelle. Jamais Nelly n’aurait imaginé un tel endroit.
Le petit groupe descendit les marches à la suite de Rurik vers cette salle aux dimensions gigantesques, où ils étaient attendus. Une foule de courtisans et de guerriers les suivirent du regard pendant que le fils de la régente prenait son temps, le port altier et les manières obséquieuses. Nelly entendait des murmures dans des langues inconnues et sentait tous ces yeux posés sur elle, curieux de savoir qui elle était. La jeune amante de Cathal se sentait si mal à l’aise face à tant de fastes, ce monde était si différent de celui qu’elle connaissait. Elle avait l’impression de se retrouver dans une cour royale des siècles passés, alors que peu de temps auparavant, elle ignorait même que cela pouvait exister. Elle avait eu un aperçu du clan du prince, mais n’avait jamais eu l’occasion de s’y rendre pour une quelconque fête. Depuis quelques mois tout avait basculé. Elle était devenue la compagne d’un des plus puissants immortels, après que celui-ci l’ait harcelé pendant des mois, jusqu’à ce qu’elle soit son amante. L’Ordre de la Miséricorde avait essayé de l’utiliser contre lui. Des ennemis, tant que d’autres vampires, avaient cherché à les séparer. Devant tout ce stress, elle avait craqué et s’était enfuie, entraînant son meilleur ami dans une folle escapade. Elle avait failli mourir sous les crocs de celui qu’elle aimait, puis ils s’étaient réconciliés quand enfin son amant l’avait transformée. Il y avait à peine quelques semaines que sa métamorphose avait commencé et durerait plusieurs mois. Leurs ennemis avaient tenté de la kidnapper et elle se retrouvait finalement là, dans un milieu qui lui était complètement étranger, à des années-lumière de son ancienne vie.
La femme qui siégeait dans un immense fauteuil de satin blanc au sommet d’une estrade recouverte de tapis et de peaux synthétiques d’ours polaire quitta son trône, et se dirigea vers eux, derrière elle une autre silhouette approcha.
Cathal conseilla à sa compagne de ne pas lever les yeux sans y avoir été invitée, la maîtresse des lieux était d’humeur assez chatouilleuse. L’Orghaar la salua d’un geste bref en portant son poing droit fermé sur son cœur.
— Cathal, mon presque fils, que je suis heureuse de te revoir, il y a si longtemps, tu nous as beaucoup manqué, dit-elle d’un ton maniéré. Présente-moi donc cette jeune personne, elle peut relever les yeux, je ne vais pas la manger.
La femme que Nelly avait devant elle était extrêmement belle, une de ces beautés froides et sculpturales. Un visage ciselé, des lèvres très légèrement pulpeuses, une peau pâle et fine avec un soupçon de rose sur les joues, des iris bleu marine ourlés de longs cils argentés, tout comme ses cheveux ramenés en un chignon compliqué sur le dessus de son crâne. La compagne du guerrier déglutit face à la nyréenne qui lui faisait penser au prince Edern. Les formes féminines et délicates lui donnaient un aspect presque elfique. Sa voix aux accents chauds était comme une caresse, tout en elle était séduction. La créature savait parfaitement se mettre en valeur et le fourreau blanc rehaussé de fourrures opalines soulignait sa grâce, tandis que les pierreries de ses bijoux du même bleu que ses yeux jouaient avec la lumière. Ses manières élégantes étaient semblables à celles de Rurik. Il se dégageait d’elle une impression de puissance, une force sauvage. En la découvrant ainsi, la vampire songeait aux valkyries. Une chose la marqua, aucune trace de vieillesse ne perturbait son visage parfaitement lisse, cependant, personne n’aurait pu définir son âge. On voyait que c’était une femme adulte, qui n’avait plus rien d’une jeune fille, mais elle semblait intemporelle. La personne qui la suivait paraissait avoir peut-être vingt-cinq ans, mais sans certitude. Son physique était semblable, mais ses yeux ressemblaient à deux aigues-marines presque translucides tant le bleu en était pâle, de stature légèrement plus petite et aux formes un peu plus pleines…
— Ragnhild, voici Nelly, ma compagne, présenta Cathal.
Ne sachant trop quoi faire la jeune ichorienne imita le salut de son amant et déclencha l’hilarité des vampires autour d’eux. La Néos esquissa un sourire ténu et amusé avant de lui faire la remarque :
— Nelly, mais ma chère tu n’es pas une guerrière.
À ces mots elle s’approcha de la nouvelle immortelle, déposa une main sur son épaule et l’embrassa avec courtoisie. Elle parlait un excellent français avec une très légère pointe d’accent guttural. Elle se retourna vers l’Orghaar et lui fit observer :
— Ta compagne est charmante, mais dis-moi qui est cet humain que tu as emmené dans tes bagages, tu sais très bien que nous avons nos fontaines…
— C’est un valeureux combattant Madame, il m’a sauvé lors de l’attaque des troupes de Sainte-Croix.
— Mmm, tu lui dois donc la vie… alors il sera traité comme l’un des nôtres. Elle se retourna vers une de ses dames de compagnie et lui ordonna de donner un appartement à Patrice.
— Vous pouvez aller vous reposer. Brynhild, montre leurs suites à nos invités. Cathal, je suis heureuse que tu sois de nouveau parmi nous, bien que j’aurais préféré que ce soit dans d’autres conditions. Tu sembles avoir découvert la femme qu’il te fallait, remarqua la souveraine en baissant les yeux vers la bague que lui avait offerte Nelly. Si vous avez besoin de quelques choses, n’hésitez pas à demander. Tu sais où me trouver…
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