Sophie se sentait brisée, elle avait vu les larmes poindre dans les yeux de Stan, quant à elle, elle avait fait son possible pour lui cacher les siennes. L’adolescente mourrait d’envie de se pelotonner dans ses bras, de se laisser aller contre lui et de répondre à ses baisers, à ses caresses, mais il y avait Justine encore et encore Justine. En cet instant, elle ressentait le besoin de se laisser aller, elle avait eu tant envie de faire demi-tour, retrouver le jeune homme et lui dire tout ce qu’elle éprouvait, mais elle n’en fit rien, elle monta dans sa chambre et se laissa aller. Elle étouffa ses sanglots contre l’oreiller qu’elle sera fort comme elle rêvait de faire pour le jeune homme qu’elle entendit chanter dans la chambre voisine. Elle dormit peu, lui aussi. Elle se fit même violence pour ne pas aller frapper à sa porte, le rejoindre aurait été tellement plus simple.

****

Justine entra dans une rage folle quand elle se rendit compte que son compte Facebook était bloqué, que ses photos et vidéos avaient été supprimées suite à des « abuses« . Quand elle se rendit sur YouTube et les autres réseaux sociaux, il en était de même. Les parents de Stan ou lui-même n’avaient pas traîné pour tout faire supprimer. Les parents de la jeune femme l’entendirent hurler dans sa chambre, jeter des choses contre le mur. Sa mère alla frapper à la porte de sa chambre et comme sa fille ne répondait pas, elle entrouvrit la porte, la chambre était dans un état pitoyable, les photos avaient été arrachées, il manquait du papier peint par endroit, des débris jonchaient le sol et Justine au milieu de tout cela semblait être devenu folle. Sa fille se précipita vers elle et lui hurla de dégager. Sa mère referma la porte précipitamment apeurée face à Justine.

— Mon Dieu, elle est devenue cinglée.

****

Le matin quand elle descendit déjeuner, un bol de céréales, du jus d’orange, du thé l’attendaient avec un joli set de table et un soliflore. Stan s’installa face à elle et lui sourit avant de lui souhaiter un bon appétit. L’adolescente feignit de ne rien voir et garda le nez baissé vers son bol.

Les autres membres de la famille arrivèrent les uns après les autres, ils prirent leur petit déjeuner, certains avec du café, d’autres avec du chocolat au lait. Iwan arriva au moment où Sophie quittait la table.

— Stan va t’emmener, je commence à 9 heures.

— Je peux prendre le bus.

— Si tu veux attraper le bus, il aurait fallu te lever plus tôt… tu l’as dans cinq minutes…

— Euh…

— Il va falloir t’habituer, ici ce n’est pas Paris, soit tu marches, soit tu prends le bus ou bien tu pars avec mon frère.

— Ne t’inquiète pas, je ne suis pas un fou, je vais prendre soin de ma passagère. À quelle heure finis-tu les cours ?

— Merci c’est gentil, mais

— Tu veux peut-être y aller à pied ? Tu connais le chemin ? Tu en as au moins pour trois quarts d’heure, voir une petite heure… sans traîner et je crois que tu seras en retard. Alors tu y vas avec Stan ?

— OK je vais me préparer et je finis à 18 heures.

— OK alors c’est moi qui vais te ramener ce soir affirma Iwan.

Vingt minutes plus tard, Sophie monta à l’arrière de la moto de Stan et s’agrippa aux poignées de chaque côté de la selle. Après un peu plus de vingt minutes de trajet au travers de la circulation dense du matin, le cadet des Jarosz arrêta sa machine sur le parking dédié du lycée. Elle lui tendit le casque qu’elle avait emprunté à Éva et s’apprêtait à se diriger vers les bâtiments quand il l’attrapa par le poignet.

— Attends, tu es toute décoiffée.

Stan lui remit quelques mèches en place et la laissa partir. Le regard de Justine suivit le moindre geste des deux adolescents et quand elle s’éloigna, tous les élèves étaient déjà entrés en cours. À peine entrée en cours, un pion vint la prévenir qu’elle était convoquée dans le bureau du CPE. Monsieur Antonionni lui signifia qu’elle risquait de passer en conseil de discipline si elle ne cessait pas ses agissements. Les Jarosz l’avaient prévenu  des problèmes que rencontraient leurs fils dans l’enceinte même du lycée à cause des photos qui s’échangeaient entre les élèves. 

Sur le passage de Stan ce n’était que chuchotements, insultes à peine dissimulées et parfois criées sans qu’il puisse savoir qui les avait dites. Les regards pleins de mépris d’une bonne partie des lycéens, mais le pire ne se passait pas encore au sein de l’établissement. L’ambiance en cours était à peine plus agréable, les autres élèves l’observaient à la dérobée, les petits sourires moqueurs. Personne ne s’en prenait physiquement à Stan d’une part il en imposait suffisamment pour que les autres élèves ne tentent pas de s’en prendre à lui directement et puis Iwan était craint, le cyberharcèlement , lui par contre, ne faisait que commencer.

Une fille de la classe de Sophie vint la voir, une petite rousse du nom de Chloé, une fille du genre fashion victime avec les dernières fringues à la mode tout comme la coiffure et le maquillage.

— Tu sais tu devrais éviter de traîner avec les Jarosz, surtout avec Stan. Il y a du monde qui t’a vu arriver avec lui. Tu as l’air sympa et lui c’est un gros connard. Avec ce qui se passe ce serait dommage pour toi de t’en prendre plein la figure.

— Merci de me prévenir, mais je n’ai guère le choix, pendant l’absence de mes parents je reste dormir chez ses parents. Stan n’est pas un de mes potes !

Même si elle avait remercié Chloé, Sophie n’appréciait pas ce qui se passait, même si elle repoussait Stan, elle le trouvait sympa et il lui plaisait tant… mais il était évident que sa décision de refuser de sortir avec lui avait été une bonne résolution. Quelques personnes se retournaient sur elle, mais elle était bien décidée à ne pas leur donner la moindre occasion de s’en prendre à elle.

Le soir lorsque Stan voulut reprendre sa moto, les pneus comme la selle étaient lacérés, et le réservoir tagué d’insultes. Le jeune homme serra les poings et appela son père afin de le prévenir de ce qui s’était passé. Monsieur Jarosz quitta son bureau et vint le chercher sans oublier de faire constater les dégâts à l’administration du lycée ainsi qu’aux forces de l’ordre.

— Cette histoire devient impossible, ce sera quoi la prochaine fois ?! Ta mère a déposé une nouvelle plaine contre Justine à propos de ce qu’elle a posté sur les réseaux sociaux, hélas ce qui est enlevé d’un côté réapparaît de l’autre. S’il faut, on te changera de lycée.

— Papa ! Pas question comment veux-tu que je puisse répéter et je ne veux pas baisser les bras à cause de cette folle !

— Ah oui et quand tu te feras démonter le portrait tu lui diras merci aussi ?

— Je ne pense pas qu’on s’en prendra à moi… et puis personne n’a envie de mettre Iwan en rogne.

— Ton frère ne sera pas toujours pour te sauver les fesses.

— De toute façon, je ne changerai pas de lycée !

— Stan !

— Non ! Il en est hors de question…

— Je ne suis pas le seul à le penser, ta mère, tes frère et sœurs ainsi que le CPE.

— Non ! Non !

— On en rediscutera plus tard ! Il ne manquerait plus qu’ils s’en prennent à la voiture de ton frère. Pendant quelque temps il vaudrait mieux que vous preniez le bus ou que l’un d’entre nous vous emmène et vienne vous rechercher.

— C’est bon on n’est plus à la maternelle !

— Stan ! le rabroua son père.

Comme le lui avait dit Iwan, Sophie rentra avec celui-ci. Les gens se retournaient sur eux, mais personne ne fit la moindre remarque même si les regards étaient plus appuyés. Une fois installés dans la Clio Iwan tenta de lui parler de Stan.

— Laisse tomber, je n’ai pas envie d’avoir des emmerdes. Ce que j’ai dit à propos des potes de mon frère est encore plus vrai. Une fois revenue chez moi, je suppose que vous allez reprendre les répétitions et ça serait bien que vous m’oubliez tous les deux. Mathias et moi on a chacun nos amis et c’est très bien ainsi. Il a toujours le chic pour trouver les emmerdes et visiblement Stan et lui ont les mêmes penchants.

Il voulut insister, mais Sophie lui coupa aussitôt la parole.

— Tes parents et tes sœurs sont adorables, mais je vais rentrer chez moi c’est préférable. Je peux bien rester deux ou trois jours seule.

— Alors j’en doute, va dire ça à ma mère, pas à moi. Pas de soucis je peux te laisser chez toi, mais elle viendra te rechercher.

— Ah oui ? Ta mère ne va pas m’emmener contre mon gré.

— Ça se voit que tu ne la connais pas encore !

Dès son arrivée chez les Jarosz, elle se rua vers la chambre qu’elle occupait et s’y enferma afin de travailler et d’éviter Stan. Peu avant de passer à table, sa mère l’appela et l’informa qu’elle rentrait le dimanche soir avec Mathias, elle viendrait la récupérer elle-même chez les Jarosz. Son père quant à lui ne rentrerait que le mercredi suivant. Elle n’avait pas eu son mot à dire, elle devait s’y résoudre, Sophie allait donc passer le week-end dans cette demeure. Lan Anh venait de raccrocher lorsqu’Alexy vint la prévenir qu’ils passaient à table.

Rosa lui apprit que madame Nguyễn Văn Lô l’avait informée de son retour pour le dimanche soir.

— Si tu as besoin d’aller quelque part, de voir des amies.

— Je vais à Clermont samedi, si ça te dit je peux t’embarquer lui proposa Éva. On se fera une sortie entre filles ajouta-t-elle en lui adressant un clin d’œil complice.

— Merci c’est gentil.

— On rentrera un peu tard, je retrouve des copines et on va à un concert à la Coop de Mai, je crois que tu connais la sœur de Manon, Pauline ?

— Ah oui? Vous allez voir quoi? demanda Stan.

— On va au Show Case Club, il y aura divers artistes.

— Je peux venir ?

— Non désolée pas de mecs avec nous… c’est une sortie entre filles, qu’est-ce que tu n’as pas compris ?

— De toute façon on doit préparer le concert pour le mois prochain renchérit Iwan, donc répétition samedi après-midi !

— C’est bon, j’ai compris on ne veut pas de moi ! maugréa Stan en quittant la table de fort mauvaise humeur.

Après qu’il eut quitté la pièce, leur mère fit remarquer qu’il passait une mauvaise période et que ce serait sympa d’être un peu plus gentil avec lui.

— La sortie était prévue ainsi depuis des semaines.

— Le problème n’est pas , fit remarquer Iwan. Cette histoire avec Justine est vraiment pourrie, mais il y a un autre souci, mais ce n’est pas à moi à en parler.

Son regard croisa celui de Sophie à cet instant, elle saisit le message et apprécia qu’Iwan ne parle pas de ce fait devant elle, lui évitant ainsi de se retrouver fort mal à l’aise.

— Demain, je vous emmène tous au lycée pour huit heures prévint Rosa.

— Maman… ! protesta Iwan.

— Pas de discussion, on en a décidé ainsi votre père et moi, pendant quelque temps on vous emmènera et on viendra vous chercher. Tant que la situation ne s’améliorera pas et au besoin on vous changera de lycée.

— C’est quoi cette histoire ? J’ai le bac à la fin de l’année, Stan est en première, on ne va pas changer maintenant à cause de cette dingue.

— On en a discuté avec votre CPE.

— Demain, on va aller le voir ! Depuis quand un Jarosz se laisse marcher sur les pieds ?

— Ce n’est pas ça, je ne voudrais pas que vos études en pâtissent.

— Vos parents on peut-être raison, ce serait peut-être préférable fit remarquer Sophie. On a bien quitté Paris...

— Non ! Je ne changerai pas… et personne ne pourra m’y obliger.

Les deux frères n’avaient aucune envie d’être amenés au lycée par leurs parents, aussi le trajet jusqu’au George Sand se fit en silence, Sophie, assise à l’arrière aux côtés de Stan, regardait les rues défiler le nez contre la vitre sans lui porter la moindre attention, quant à lui, taciturne, le jeune homme ressassait les évènements depuis ce fatidique samedi. Peu à peu, il prenait la pleine mesure de sa situation. L’une des raisons pour laquelle Sophie le repoussait. Après tout Justine l’avait menacée et Sophie n’était qu’une gamine de seize ans qu’il connaissait à peine. Stan pendant ce trajet faisait le point, il finit par conclure qu’il avait un peu cherché la situation en passant d’une fille à l’autre sans se préoccuper de leurs sentiments.

Il reconnaissait enfin qu’il s’était souvent comporté comme le dernier des cons, entre autres avec Justine et aujourd’hui, il en payait le prix… sil le reconnut en son for intérieur il n’était pas près de l’admettre devant qui que ce soit… plus tard, peut-être.

****

Justine s’observa dans le miroir de la salle de bain, elle aimait le reflet qu’il lui renvoyait, elle avait fait couper ses cheveux afin qu’ils lui arrivent  au niveau de la poitrine, elle les avait teints en noir et les avait lissé après avoir réalisé un maquillage léger comme le faisait Sophie d’après ce qu’elle avait jugé sur les photos faites par sa cousine. Mais il était évident qu’elle n’avait rien d’une Asiatique avec ses yeux bleus. Elle chercha sur le net et acheta plusieurs paires de lentilles colorées. Elle écuma les sites de maquillage coréens et acheta tout un assortiment ainsi que des patchs collants dans l’espoir de modifier les traits de son visage.

****

Dès qu’ils arrivèrent au lycée, les jeunes gens se séparèrent et chacun partit vaquer à ses occupations. Les cours s’enchaînèrent les uns à la suite des autres et la semaine fut enfin terminée. À dix-sept heures, la voiture d’Éva se gara sur le parking visiteur, la jeune femme récupéra ses deux frères et Sophie, arrivés devant la villa, Stan et la jeune fille descendirent.

— Iwan et moi nous avons une course à faire et Alexy à aller chercher, on sera tous de retour vers vingt heures, on vous laisse la maison. Profitez donc de la piscine !

Sophie monta jusqu’à sa chambre, jeta son sac de cours sur le lit. Cette journée de septembre avait été particulièrement étouffante, une douche plus tard, elle enfila le maillot deux pièces, noua un paréo autour de ses reins, prit un drap de bain et descendit au jardin afin de faire quelques longueurs de piscine. Cette belle journée serait sans doute une des dernières à la douceur estivale, aussi Sophie était décidée à en profiter bien qu’elle ne soit pas chez elle. Il lui tardait de rentrer, de retrouver sa chambre et de revoir son frère. Un petit pincement au cœur à l’évocation de Mathias l’étreignit. Il lui tardait cet instant et elle le redoutait à la fois.

L’adolescente posa sa serviette et son téléphone sur l’un des transats de toile écrue et elle plongea dans l’onde tiède.

De sa chambre Stan la suivit du regard, il observa chacun de ces gestes, glissa sur ses courbes fines. Le souvenir de leur brève étreinte devant la boîte de nuit le week-end précédent lui revint en mémoire. Il devait saisir sa chance, il était hors de question que Justine se mette entre eux. Décidé, il prit une douche expéditive et enfila son maillot de bain avant de descendre piquer une tête dans la piscine. Sophie ne découvrit sa présence que lorsqu’il surgit de l’eau près d’elle, le corps ruisselant, sa peau dorée scintillant au soleil. Elle remarqua alors le tatouage tribal sur son épaule, Stan secoua sa longue chevelure de jais et son regard se posa sur elle, troublant. La jeune fille était à le regarder sans bouger, découvrant les lignes de son corps finement musclé. L’envie de poser ses mains sur lui, de découvrir la chaleur de sa peau humide. Aussi quand il s’approcha d’elle et qu’elle se retrouva entre Stan et la paroi de la piscine, Sophie ne bougea pas. Le contact de son corps contre le sien la troublait, aussi quand il l’enlaça et l’embrassa, elle le laissa faire. Les deux jeunes gens échangèrent un lent baiser. Une volée de papillons s’agitait dans le bas ventre de la jeune fille. Il lui arracha un long gémissement avant de la prendre dans ses bras et de la sortir de l’onde pour l’allonger sur la pelouse drue. Le jeune homme s’étendit contre elle, explora ses courbes pendant que Sophie lui rendait ses caresses, ses baisers. Et quand il vint sur elle, Sophie répondit à ses légers mouvements de bassin. Le désir enflait entre eux au point qu’elle lui avoua avoir envie tout autant que lui de faire l’amour. En cet instant, elle mourait d’envie de s’abandonner dans ses bras. Stan s’apprêtait à se relever pour l’emporter jusqu’à sa chambre quand le téléphone de Sophie bipa en rafale, annonçant l’arrivée de plusieurs MMS. L’adolescent grogna de frustration devant l’insistance de cet interlocuteur qui non content d’envoyer de nombreux messages appelait avec insistance. Il n’avait qu’une envie attraper le portable et le jeter dans la piscine.

À bout de souffle face aux baisers brûlants de Stan, Sophie le repoussa doucement.

— Attend je vais répondre.

— Dépêche-toi !

Il se leva et vint derrière elle, déposant ses lèvres dans son cou, Sophie frissonna et gloussa de désir pendant qu’elle faisait glisser son pouce sur l’écran tactile. Stan lui murmura qu’il l’aimait, il s’apprêtait à la retourner quand elle se crispa, Stan releva le visage enfouit dans la chevelure de la jeune fille et regarda à son tour l’écran. Il devint livide devant la vidéo prise d’un drone. On y voyait un couple tendrement enlacé, les gestes peu équivoques ne laissaient rien à l’imagination. Le couple c’était eux que l’on avait espionnés, filmé. Trop occupé à s’étreindre, le jeune couple n’avait pas pris attention au petit engin. La voix de Justine retentit :

« Espèce de salope, je t’avais prévenu, laisse-le tranquille ! Stan est à moi. Tu vas le payer cher... »

​​​​​​​

Et cela continuait. La voix de la jeune femme n’était que rage, haine. Elle distilla la peur chez Sophie que tout cela venait de refroidir brutalement. Elle ravala ses larmes et se dégagea de l’étreinte du jeune homme. Elle n’avait même pas prêté attention aux changements de look opérés chez l’ex petite amie.

— Laisse-moi !

Stan l’empêcha de partir en la retenant par le bras.

— Assis-toi !

Il l’invita à prendre place sur le transat et s’accroupit face à elle. Il peinait à garder son calme, ivre de colère, il n’avait qu’une envie : tordre le cou de Justine.

— Je t’aime, ne la laisse pas nous séparer, c’est ce qu’elle veut. S’il te plaît, la supplia-t-il en tenant ses mains.

— Non, laisse-moi, j’ai peur Stan, elle est folle. Elle tenta de se dégager, mais en vain.

— Je ne la laisserais jamais te faire le moindre mal. Tu fais exactement ce qu’elle souhaite, Justine te manipule…

Un nouveau SMS de Pauline, cette fois, arriva l’enjoignant à aller voir sa page Facebook. D’un geste tremblant Sophie ouvrit l’application et c’est atterré qu’elle découvrît l’ampleur de la méchanceté de Justine. 

Justine avait posté de nombreux clichés et la petite vidéo les montrant tous deux avec maints commentaires. Comme elle avait notifié le nom de Sophie, les médias apparaissaient aussi sur sa page suivis d’une flopée d’insultes. La jeune-femme la présentait comme la dernière des garces, prétendant que la jeune fille lui avait volé son petit ami. Elle se présentait comme une victime… et bien sûr il y avait une kyrielle de gens ne la connaissant ni d’Ève ni d’Adam qui prenaient parti, s’en prenaient à Sophie de manières ignobles, c’était un véritable lynchage. Cette fois, elle laissa les larmes couler. Elle voulut supprimer le contenu, mais Stan l’en empêcha.

— Non, nous sommes tous deux mineurs, nos parents vont gérer ça.

— Non, non, je ne veux pas que mes parents l’apprennent.

— Soit, alors laisse mes parents faire, tu veux bien. Il lui releva le menton et plongea son regard dans celui de l’adolescente, sèche ces larmes, elle n’en vaut pas la peine.

— Tu ne comprends pas… hoqueta Sophie, ça recommence, j’ai déjà vécu ça.

Stan fronça les sourcils.

— Dis-moi tout, je veux tout savoir de toi

Sophie était en train de lui raconter tout ce qui s’était passé avec Kim : la violence, le harcèlement, la décente aux enfers, partagée entre son frère et sa haine de la petite amie de Mathias, taniss que Stan tenait ses mains entre les siennes et les embrassait; quand Iwan fut de retour avec Éva et leur petite sœur plus tôt que prévu, cette dernière étant malade. Observant le couple depuis la baie vitrée du salon, il devina tout de suite que quelque chose s’était produit à leur attitude.

— Éva, je crois qu’il y a un blême.

Quand il s’approcha, les yeux rougis de Sophie confirmèrent son impression.

— Qu’est-ce que tu lui as fait ?

— Moi ? Rien c’est Justine.

— Encore elle ! intervint Éva venue les rejoindre.

Stan tendit le téléphone aux deux jeunes gens. Sophie honteuse se leva et s’enfuit précipitamment. Ils virent tous deux le contenu de la vidéo, les photos, Facebook.

— Cette fille est folle. Elle ne te foutra jamais la paix. Je vais voir Sophie, Iwan occupe-toi de Stan !

Éva s’en alla et rejoignit Sophie dans sa chambre, quand elle entra elle sortait de la douche. Lorsque leurs regards se croisèrent, les joues de l’adolescente s’empourprèrent.

— Tu n’as pas à avoir honte, personne n’aurait dû vous voir et encore moins vous filmer… d’autant plus que vous êtes tous deux mineurs. D’un autre côté … vous auriez dû aller à l’intérieur même si les haies sont hautes. Je suppose que tu n’as pas envie que ta famille voie ça ?

Sophie secoua la tête pour toute réponse.

— Allez viens la.

Éva la prit dans ses bras et la consola comme elle avait fait si souvent en qualité de grande sœur.

— Notre virée demain te fera le plus grand bien… loin de cette folle et de mon frère. Au fait, je n’ai pas demandé, mais tu étais consentante au moins ?

L’adolescente lui répondit d’un oui timide.

— Entre Stan et toi ? C’est quoi au juste ?

— Euh…

— Tu es amoureuse de lui ou c’est juste un plan ?

— Ce n’est pas un plan, je

— Il te fait craquer, n’est-ce pas.

Sophie rougit à nouveau.

— Justine…

— Laisse Justine, ne t’en occupe pas.

— Ce n’est pas ça… Je ne peux pas… je ne veux pas revivre ça… mon frère avait une petite amie à Paris : Kim… j’ai été son souffre-douleur, elle me battait, elle me harcelait, ça a été un enfer, je n’ai rien dit à mes parents… je ne veux plus vivre ça… je ne peux pas être avec ton frère… jece n’est pas possible.

— Je crois que je comprends… mais pas lui, tu dois le lui dire. Tu sais, il est très amoureux de toi et crois-moi nous avons tous été surpris.

— Je l’ai déjà fait, mais il ne veut pas comprendre.

— Laisse-lui un peu de temps.

— Du temps ?

— Lui aussi il passe une mauvaise période, il lui faudra du temps pour faire une croix sur toisur tout ce qui s’est passé à moins que tu ne changes d’avis. Tu sais Stan n’est pas ce qu’il laisse paraître. C’est un jeune homme plein de délicatesse, bien plus sensible qu’il ne le laisse croire. Je sais très bien qu’il a été un véritable bourreau des cœurs, souvent un peu trop léger, mais il a tellement peur de s’attacher, avec toi il est tellement différent. Je crois sincèrement qu’il est prêt à s’ouvrir. Peu importe ce que l’on pourra te dire, écoute ton cœur. Il y a quelques années mes parents ont failli divorcer ça allait vraiment mal entre eux... et Stan a été celui qui l’a le plus mal vécu.

— Je ne vais jamais oser retourner au lycée lundi.

— Pourquoi donc ? Vous n’avez rien fait et quand bien même cela ne regarde que vous. Si tu as besoin n’hésite pas à venir me voir, j’ai l’impression que ta mère et toi ce n’est pas terrible et parfois quelqu’un en dehors de la famille avec qui discuter c’est bien.

Quand Sophie redescendit, les Jarosz étaient tous au salon, en train de discuter de ce qui s’était passé. À son arrivée Stan se leva et vint vers elle. Il la prit par la main et l’entraîna vers le jardin. Le jeune homme lui tendit son téléphone.

— J’ai tout effacé après les avoir transférés sur mon téléphone, mes parents ont prévenu le commissariat et aussi les parents de Justine. Mon père a laissé un message à son avocat. Ils prennent tout en main, l’hébergeur des vidéos a été prévenu que nous étions mineurs et qu’une plainte serait déposée demain à la première heure. Ils vont faire de leur mieux pour te protéger. Viens-.

Il prit Sophie contre lui comme l’aurait fait un ami ou son frère. Puis il ajouta.

— Ne crains rien, personne ici ne te fera la moindre réflexion.

Quand il voulut l’embrasser, elle le repoussa de nouveau.

— Non Stan c’est une mauvaise idée.

— Sophie… tu ne nous laisses aucune chance… toi et moi c’est tellement différent. Au premier regard tu as fait battre mon cœur… aucune fille ne m’a jamais fait ça. Tu sais ce qu’est un coup de foudre ?

— Bien sûr…

— Toi et moi c’est cela, je n’ai fait que penser à toi dès que ton regard a croisé le mien, tu m’obsèdes Sophie. Laisse-nous une chance.

Elle posa sa main à plat sur son torse et le poussa encore une fois et fit un « non » doux, mais ferme. Le regard qu’ils échangèrent en disait long, il la laissa repartir le cœur serré, conscient que tout était fini. Stan la suivit des yeux, les poings serrés, se jurant que Justine allait le payer cher et qu’il ferait tout pour gagner la confiance de la jeune fille.

Les deux filles partirent au petit matin tandis que les garçons dormaient encore. Elles passèrent prendre Pauline et rejoignirent d’autres amies d’Éva avant de partir pour ClermontFerrand.

— Tu verras c’est une ville très sympa, on va pouvoir te faire visiter la vieille ville, faire du shopping et Manon à un appart sympa en plein centre dans le Carré Jaude. On va dormir -bas et revenir sur Montlu en début daprèm, ça va te changer les idées.

Pauline entraîna Sophie dans les rues de la capitale auvergnate, le centre Jaude, la vieille ville et ses rues escarpées aux constructions de pierre volcanique. Elles en profitèrent pour faire du shopping et Sophie dénicha dans une petite boutique une veste trois quart bien cintrée à la double rangée de boutons dorés d’inspiration militaire.

— Tu vas être classe avec ça. Un beau jean slim noir ou un leggins en simili sur des plateformes un peu sexy et tu vas déchirer.

— Il y a un bon coiffeur ici ?

— Ouais, je t’emmène.

Sophie en sortit avec un carré long plongeant méché d’un rouge sombre agrémenté d’un maquillage mettant en valeur ses grands yeux noirs.

— Ouah… personne ne va te reconnaître !

— C’est un peu l’idée. J’en ai marre de la petite fille sage. Je ne vais pas tarder à recevoir les fringues que j’ai commandées sur le net. J’ai envie de m’acheter une petite robe.

Après plusieurs magasins, elle finit par trouver son bonheur. Une petite robe fleurie toute simple à bretelle qui lui arrivait un peu au-dessus du genou. Elle mettait en valeur ses jambes et sa taille fine. Leurs emplettes terminées, les deux adolescentes rejoignirent Éva et la sœur de Pauline à son appartement. Les deux jeunes femmes restèrent muettes face à la transformation de Sophie.

— Oh, ça te va bien. Tu es superbe, ça te change, tu ne fais plus petite fille. Quand Éva et la jeune fille furent seules quelques instants, elle lui chuchota.

— Stan va adorer…

— C’est pas l’idée.

— Hé pas la peine de mordre, je te le dis c’est tout et tu peux être certaine qu’il ne sera pas le seul.

Après une journée à courir, un dîner vite expédié, les filles et leurs copines partirent au concert… et c’était épuisées qu’elles rentrèrent au milieu de la nuit après avoir dansé et chanté à tue-tête. À leur retour en début d’après-midi, Sophie fatiguée dormit pendant tout le trajet et ne se réveilla que devant la villa des Jarosz. Les frères étaient dans la chambre de Stan en train de jouer un des derniers morceaux que le cadet avait composé ces derniers jours.

Sophie monta dans la chambre qu’elle occupait et déposa ses achats avant d’allumer son ordinateur portable. Elle n’avait pas eu l’occasion de discuter avec sa meilleure amie depuis le départ de sa mère. Elles avaient échangé quelques SMS, mais c’était tout et Élodie lui manquait.

Elle alluma Skype, impatiente de retrouver son amie, la fenêtre de la caméra s’ouvrit et le visage d’Élodie apparut.

— Hello ma chérie, mais qu’est-ce que tu as fait à tes cheveux ?

— Un coup de folie, j’ai voulu changer de tête, j’en avais assez de la petite fille bien sage.

— Ça te va trop bien ! Tu déchires sa race ! Fais voir! Tourne-toi que je te vois mieux ?

Sophie se leva et pivota sur elle-même. Élodie émit un sifflet d’admiration.

— Comment t’es trop belle ! Maintenant il te faut le style avec. Jolie ta petite robe d’ailleurs, tu fais moins gamine. Tu vas faire des ravages. Punaise j’hallucine ! Fais-moi voir ce que tu as acheté !

— Demain si tu veux, j’ai fait ma valise, je rentre chez moi ce soir, ma mère et Mathias rentrent, j’espère qu’ils ne vont pas tarder, les Jarosz sont super gentils, mais j’ai envie d’être chez moi. Je te raconterai tout.

— OK ça marche ! Alors le beau et ténébreux Anh Dũng rentre au bercail ? Comment va-t-il ?

— J’en sais trop rien, je ne l’ai pas eu et ma mère ne m’a rien dit ! Ça craint c’est comme si je n’existais pas.

— Mais non ne dis pas ça, ton frère t’adore et tes parents aussi.

— Mouais et toi qu’est-ce que tu me racontes de beau ?

— Le prof d’anglais est trop craquant, quand il parle en français il a un petit accent british trop beau… il a 24 ans et des yeux verts tu verrais ça… toutes les filles vont en tomber amoureuses. Et tu sais pas la dernière, on l’a vu en boîte hier soir.

Elles continuèrent de discuter une bonne heure de leur soirée respective, des envies et désirs de chacune.

— Mon père va m’inscrire aux cours de conduite ! C’est super ça me tarde, et toi ?

— J’en sais rien on n’en a pas parlé… avec ce qui s’est passé on n’en a pas eu le temps.

— Alors tu rentres chez toi ce soir ?

— Oui, ça me tarde, je dois te laisser, j’ai pas mal de travail pour le début de la semaine. On s’appelle demain soir après les cours ?

— Je ne peux pas j’ai un cours de fitness, après 20H ça te dit ?

— Ça marche ! Demain 20H. Bisou ma belle.

— Bisou !

17H20

Sophie faisait ses devoirs quand le Juke de Lan Anh se gara devant la villa des Jarosz. Rosa les accueillit et les invita à entrer.

— Vous restez dîner avec nous, après votre voyage et tous ces évènements, une soirée avec des amis vous fera du bien.

— C’est gentil Rosa, mais

— Pas la peine de discuter c’est déjà tout prévu. Je suis enchantée de te rencontrer Anh Dũng, mes fils m’ont beaucoup parlé de toi et de tes talents. Je crois qu’il y en a une qui est impatiente de te voir.

Mathias esquissa un léger sourire. Il n’avait qu’une envie être chez lui, seul. Ils s’installèrent tous au salon et Rosa servit une collation, un café crème et des biscuits à la cannelle. Assis dans un fauteuil de cuir grenat, il ne répondait que par monosyllabes aux questions qu’on lui posait. Le jeune homme semblait fatigué, il avait les traits tirés et en quelques jours d’absence, il avait perdu du poids.

— Alexy si tu allais chercher Sophie, je crois qu’elle est dans sa chambre.

— OK !

Quelques secondes plus tard, le temps de monter l’escalier quatre à quatre et l’adolescente frappa à la porte de la chambre, elle rentra sans attendre qu’on l’y invite.

— T’as mère et ton frère sont  ! Voyant que Sophie ne réagissait pas, elle s’approcha et frappa doucement le casque que cette dernière avait sur les oreilles et répéta sa phrase.

Sophie se leva comme mue par un ressort et courut jusqu’aux escaliers, descendit les marches à toute vitesse malgré ses chaussures à talons, manquant se casser la figure. Quand Mathias tourna la tête et la vit, il se leva et sa sœur se jeta dans ses bras tant elle était heureuse de revoir son frère. Il la serra fort contre lui et lui dit en vietnamien qu’il était heureux de la voir et qu’il la remerciait. Ils étaient heureux de se revoir et en oubliaient ceux qui étaient autour d’eux et ne comprenaient pas un traître mot de leur échange. Un toussotement de madame Nguyễn Văn Lô les rappela à l’ordre.

— Mais qu’est ce que tu as fait à tes cheveux ?! Sophie !

— Maman, laisse-la, c’est joli et ça lui va bien.

— Mais, ma petite fille…

— Je ne suis plus un bébé, tu ne vas pas en faire une maladie, ce sont juste des cheveux…

— Bin moi j’adore, enfin ma petite sœur ne ressemble plus à une petite fille. T’es juste canon. Ta petite fille a grandi…

Stan observait la scène depuis la mezzanine, Alexy l’avait prévenu aussitôt Sophie descendue, son regard s’était vrillé sur la jeune fille, son cœur s’était emballé après l’instant de surprise et quand il l’avait vu se précipiter dans les bras de Mathias il en avait ressenti une pointe de jalousie. Il ne perdait rien des formes mises en valeur par cette petite robe rouge, les mèches carmin parmi ses cheveux coupés. Quand elle se retourna un instant et que leurs regards se croisèrent, la jeune fille qui lui faisait face lui plaisait que davantage, l’adolescente avait capturé son coeur et la jeune fille le maintenait dans ses filés. Leur trop brève étreinte lui était encore en mémoire, il lui semblait avoir encore la douceur de sa peau sous ses doigts, la chaleur de ses lèvres sur les siennes. Puis elle se détourna sans l’ombre d’un sourire pour répondre à son frère. Il le savait d’ici quelques minutes, peut-être quelques heures, elle franchirait la porte et ne reviendrait sans doute pas.

Toute la soirée, le frère et la sœur restèrent cote à côté, Mathias appréciait de retrouver cette complicité qu’ils avaient perdue. Il se sentait perdu au milieu de cette famille et il poussa un discret soupir de soulagement quand Stan et Iwan lui proposèrent de venir discuter musique.

— Tu viens ? lui proposa le jeune homme.

— Non, je dois préparer mes affaires et faire un peu de rangement dans la chambre, je n’en ai pas eu le temps.

Stan poussa un OK déçu et grimpa à la suite de l’adolescente dont il suivait la démarche pendant qu’elle montait les escaliers.

— Rejoins-nous quand tu auras fini.

Sophie prit son temps pour terminer sa valise, ranger ses achats dans un seul sac et rendre la chambre telle qu’elle l’avait trouvé. Elle referma son ordinateur qu’elle avait laissé ouvert lors du retour de sa mère et de son frère. Elle traîna jusqu’à ce que sa mère vienne lui dire qu’il était temps de rentrer. Mathias attrapa sa valise tandis qu’elle prenait son portable et le sac de ses achats du week-end.

— Attends, je vais t’aider, se proposa Stan.

— Non, c’est bon.

— Comme tu voudras.

Une fois les affaires dans le coffre, la famille Nguyễn Văn Lô prit congé. Depuis son retour Stan n’avait pas eu l’occasion un seul instant d’être seul avec Sophie aussi il la regarda s’en aller peinant à masquer sa tristesse. La jeune fille ravie de rentrer chez elle ne pensait déjà plus à ce qui s’était passé entre eux. Une fois la porte de leur villa franchie, Lan Anh se laissa tomber dans un des fauteuils du salon.

— Je suis crevée ! Les enfants on discutera demain, je suis désolée, mais j’ai besoin de dormir.

En effet, elle avait passé ses nuits à veiller sur son fils, elle avait peu dormi et même la nuit du samedi au dimanche s’était révélée pénible. Son fils avait lui aussi passé une nuit difficile, pendant ces quelques jours à Paris, il avait replongé dans ses pires travers et le comportement de Kim n’avait pas arrangé les choses. Le jeune homme avait voulu mourir et il en avait fallu d’un cheveu pour qu’il parvienne à ses fins. Sans l’appel de Sophie, en cet instant les deux femmes veilleraient sur sa dépouille.

Catégories : Children of Styx

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