Justine était de mauvais poil, déçue de ne pas avoir pu guetter la sortie de Stan, sa cousine avait pu obtenir l’emploi du temps du jeune homme par une de ses copines de classe, mais son travail dans un des salons de beauté ne le lui avait pas permis de sortir à temps. Elle avait dû remplacer une collègue puis sa mère l’avait appelée en lui demandant de passer chez eux pour une affaire urgente. 

Lorsqu’elle était arrivée au domicile familiale, elle y avait trouvé son oncle maternel et parrain avec sa femme et leurs deux enfants, deux adolescents boutonneux parlant le français avec un charmant accent anglais. La jeune femme était ravie de voir son parrain qu’elle n’avait pas vue depuis longtemps. 

— Alors comment va ma filleule ? 

Toute la famille s’était inquiétée quand elle avait tenté de se suicider après sa séparation avec Stan. Ses parents l’avaient envoyé dans le nord de l’Angleterre chez sa famille maternelle en espérant qu’elle se remettrait et peut-être même qu’elle resterait à Carlisle, une ville un peu plus grande que Montluçon à quinze kilomètres de la frontière écossaise. Quelques mois après, elle était revenue dans la ville auvergnate. Ses parents, sa famille anglaise avaient bien tenté de l’intéresser à autre chose, ils lui avaient même trouvé un emploi dans la cité britannique, mais elle avait préféré rentrer et tenter de séduire Stan à nouveau qui n’en avait que faire. Semaine après semaine, mois après mois, ils l’avaient vu changer, devenir obnubilé par ce jeune-homme au point que la famille Jarosz avait fini par déposer une main courante pour harcèlement. Ce vendredi, elle resta donc chez eux, prit son mal en patience même si elle était heureuse de retrouver son parrain. Le lendemain, elle travaillait comme tous les samedis dans la boutique que tenait sa mère, mais d’un autre côté il l’ennuyait, car elle ne pouvait pas s’occuper de Stan.

Ses parents lui avaient imposé cet emploi en plus des cours dans le secret espoir qu’elle s’intéresse à autre chose que le jeune homme.

***

Sophie prépara un repas rapide composé dune salade de riz au crabe ainsi que des fruits. Elles étaient devant leurs assiettes quand Pauline arriva. L’adolescente pleine de vie, un tourbillon de gaieté mit un peu d’entrain dans cette villa à l’ambiance morose.

— Je voulais te proposer d’aller au cinéma ce soir, ça te dirait ? Il y a une expo en ville, on pourrait y aller cet après-midi.

— Je suis désolée je n’ai pas trop envie…

— Mais si ma chérie, on est bien assez de deux à se morfondre, va t’amuser avec ton amie. On n’est pas à Paris ici, si vous voulez vous amuser profitez-en.

— Maman, je ne veux pas te laisser toute seule, déjà hier soir…

— J’insiste, ça te fera du bien, il est inutile de se morfondre à deux.

— Jusqu’à quelle heure Sophie peut-elle sortir ?

Prise au dépourvu, Lan Anh parut réfléchir quelques instants.

— Peut-être pas au petit matin, mais je fais confiance à ma fille, pas d’alcool ni de drogue. Nous en avons assez soupé !

— Si Sophie vient avec moi et quelques copines en boîte, ça ne posera pas de problèmes ?

— Où est-elle ? N’oublie pas que Sophie n’a pas encore 17 ans.

— En ville, si vous le préférez je peux vous appeler pour venir nous chercher. Vous savez beaucoup de parents font cela surtout quand on va au Manoir par exemple.

— Maman, je vais avoir 17 ans en décembre, je ne suis plus une petite fille.  C’est la boîte où je suis allée avec les garçons hier soir.

— Si pour moi tu es toujours ma petite fille.

Lan Anh sera sa fille dans ses bras et la laissa après un baiser affectueux sur la joue.

— Allez file, va te préparer !

— Au fait maman, Stan a appelé il ne devrait pas tarder, tu lui dis qu’on est dans ma chambre ?

Les filles montèrent à l’étage.

— T’es sorti avec les Jarosz hier soir ?

— Oui, ils m’ont ramené, ils ont été super, Iwan est même allé dans ce bled où il y a un pont où on peut se suicider pour s’assurer que mon frère n’y était pas. Ma mère les a invités et ils m’ont proposé de venir avec eux. Ma mère a insisté pour que j’y aille… franchement j’ai pas trop la tête à aller faire la fête.

— Elle a raison tu sais, tu crois que ton frère voudrait te voir comme ça ? Je sais bien que c’est un con, mais quand même. Tu ne vas pas rester là à te morfondre. Les policiers font leur travail. On va voir ce que tu peux te mettre, tu ne vas pas venir avec un petit chemisier tout sage… ta garde-robe je crois qu’elle a besoin d’un petit coup de jeunesse ! Je comprends que tu aimes le bleu, mais franchement un beau rouge, des couleurs chaudes ça t’irait tellement mieux. Le style gothic-lolita est fait pour toi.

— Euh, hors de question de me transformer en bonbon rose. Je sais que toi tu aimes cette couleur, mais je hais le rose. Mais ça te va bien.

Pauline éclata de rire à l’idée du bonbon rose.

— C’est du fuchsia… et surtout beaucoup de noir.

— Le noir, le rouge, le jaune, mais sil te plaît pas du rose.

— Bon, on le regarde ce dressing ?

Les filles regardèrent la liste des liens qu’Élodie avait envoyés à son amie, mais devant la moue dubitative de Sophie, Pauline ferma le navigateur.

— Et si tu te créais un style à toi, quelque chose qui te plaît vraiment. Si tu mettais un peu d’originalité ? Franchement, t’es trop canon. Tu t’es regardé dans un miroir ? Combien de filles rêveraient d’être comme toi ? Tu es grande pour une asiatique, fine avec juste de rondeurs là où il faut, un beau visage fin, des grands yeux noirs et des cheveux magnifiques. Tu pourrais te faire un look qui déchire sa race !

— Euh… mais j’aime bien mes fringues. Et ça va les asiates ne sont pas tous des nains de jardin… bonjour le cliché.

— Désolé ! Ose un peu, lâche-toi ! Là tu fais la petite étudiante toute sage, presque une petite fille.

— C’est aussi ce que dit Élo… et mon frère. J’ose pas, j’ai l’impression d’être ridicule.

— Pff quelle idée ! Allez on va voir ce que tu as dans ton armoire ?

— Je suis allée à une soirée à thème au printemps… je n’ai jamais remis ce que j’avais acheté à l’occase.

— On va regarder ça ?

Pauline jeta un coup d’œil rapide à la garde-robe de sa copine, elle mit de coté tout ce qui lui paraissait intéressant, peu de choses étaient sélectionnées et pendait sur les cintres du côté réservés à ce qu’elle trouvait sympa. Sophie ouvrit une boîte à chaussures et en sortie une paire noire à plateformes, munies de longs rubans.

— Mais elles sont géniales ces pompes ! Où tu les as achetés ?

— Dans une petite boutique à Paris. C’est Dao qui m’y avait emmené.

— Dao ?

— Le frère de Kim, c’était mon petit ami. Kim est une saloperie, mais elle a un look d’enfer, et elle connaît toutes les bonnes adresses de Paris et son frère aussi, il suit sa sœur partout.

— Mais dis donc tu caches bien ton jeu… alors comme ça on a déjà eu un petit ami… vous avez…

Rouge cramoisie, Sophie bafouilla un « oui pas vraiment ».

— Comment ça pas vraiment ?

— On ne l’avait jamais fait tous les deux… et on ne l’a pas vraiment fait non plus.

— Alors là faut que tu m’expliques. Pauline s’assit sur le sol et attendit la suite.

De plus en plus gênée, Sophie s’emmêlait les pinceaux.

— Bon ce Dao, il te l’a fait sauter la rondelle ou pas ?

— Oui, chuchota Sophie. Mais on a arrêté là.

— Tu veux dire que vous n’avez pas fini… il n’a pas été jusqu’au bout ?

— C’est ça. Je n’étais pas vraiment prête et lui non plus, je crois bien.

— Pitoyable ! Tu n’as que les pompes ?

— Non, non.

Sophie sortit une paire de bas de laine noire resserrés par un nœud, un long débardeur de tulle noir et rouge ainsi qu’une jupe courte cintrée finissant par un volant, son jupon carmin, une ceinture à plusieurs lanières.

— Héhé, mais c’est plutôt assez rock ce que tu as là et très sympa. Tu vas déchirer avec ça, ce soir je veux te voir avec, j’amène quelques petites choses pour agrémenter tout ça. Au fait tu parlais de Stan, le Stan ? Il vient ici ?

— Oui le Stan, il vient, hier avec son frère on a écumé toute la ville pour chercher Mathias, ma mère les a invités à manger avec nous hier soir. Ils sont repartis assez tard après que les flics soient venus et ils m’ont emmené avec eux. Ils ont été vraiment super. Ce matin Stan a appelé pour prendre des nouvelles et m’a dit qu’il passerait.

— Fais gaffe à toi le beau Stan va te croquer toute crue.

— Il est sympa !

— Attends, j’ai pas dit qu’il ne l’était pas. C’est un mec super cool, super sympa surtout quand il veut te sauter. T’inquiètes qu’il t’a déjà remarqué mardi au foyer quand tu le matais. Il n’est pas venu se présenter pour rien. C’est pas un gros connard non plus… qui va dire partout qu’il t’a foutu dans son pieu, mais une fois qu’il a ce qu’il a voulu, il te dit gentiment que tu ne l’intéresses plus et il a fait le coup à un tas de filles. Il va se montrer gentil, tendre, ce n’est pas le problème… comme je tai dit c’est un bon coup… donc si tu as envie de t’éclater un peu, tu ne perdras pas ton temps. Si tu as envie de tomber amoureuse c’est mort… pas Stan ni Iwan d’ailleurs. Parce qu’ils sont pareils tous les deux. Par contre, comme potes pas de soucis… d’ailleurs si tu as envie de passer une super soirée, je te conseille d’aller les voir jouer… Stan est comment dire… charismatique, il te chauffe une salle en cinq minutes, il a un truc, c’est bien pour ça qu’il a toutes les filles qu’il veut, sur scène c’est pareil. Il me fout la chair de poule quand il chante, mais tu verras bien. J’espère pour eux qu’un jour ils deviendront célèbres, ce sont de super musiciens et Stan a une voix qui me fait chavirer.

— Ah oui ?

— Yep et je ne suis pas la seule. En plus quand tu sors avec, t’as de la concurrence… toutes les filles du lycée, du moins les hétéros et les bi bavent devant, je suis sûre que même certains homo font de même, c’est super agaçant, en concert t’as l’impression qu’elles vont toutes lui sauter dessus… ils n’ont que l’embarras du choix… les Jarosz.

— On parle de nous ?

Les filles se retournèrent et virent la haute stature d’Iwan.

— Ouais, j’ai mis Sophie en garde contre votre côté queutard mais t’inquiètes je lui ai aussi dit que vous étiez sympas et de super musiciens.

Aucunement vexé, Iwan s’esclaffa. Stan rejoignit son frère et s’encadra à son tour dans l’entrée de la chambre de l’adolescente.

— Entrez ! les invita Sophie, un peu gênée qu’Iwan ait entendu la conversation.

Stan jeta un coup d’œil dans cette pièce où dormait la fille qui lui plaisait beaucoup. Sophie l’attirait depuis que leurs regards s’étaient croisés quelques jours plus tôt et il n’était pas près d’oublier la précédente soirée.

— Tu joues ? s’enquit Stan en découvrant le clavier dans un coin de la pièce.

— Je jouais plus exactement, mais ça fait un moment.

— Et c’est bien dommage, renchérit Lan Anh montée derrière le jeune homme. Sophie jouait avec son frère quand ils étaient plus petits, et souvent elle chantait avec lui en plus. Mathias a composé quelques morceaux pour sa sœur.

— Tu chantes aussi ?

— Je te l’ai déjà dit à la cafette.

La musique était la passion de Stan plus encore que celle d’Iwan. L’intérêt pour la jeune fille redoubla, mais sur un plan différent, là il ne regardait plus son physique, seules ses qualités de musicienne l’intéressaient alors.

— Sophie a une très belle voix, ajouta sa mère avant de les laisser.

— Maman !

— Tu ne veux pas chanter pour moi ?

— Là maintenant ?

— Oui, bien sûr.

Il était déjà devant le clavier, et le branchait.

— Non, j’aime pas chanter pour les autres, et ça fait un moment que je ne l’ai pas fait.

— Juste un morceau, insistèrent Iwan et Pauline à leur tour.

— Je n’ai pas l’habitude, je n’ai jamais chanté qu’avec Mathias… et pendant les cours.

Stan s’installa devant le synthé et commença à jouer. Ses longs doigts parurent s’envoler sur l’instrument. Et bientôt sa voix retentit à son tour. Sophie comprit ce qu’avait voulu dire Pauline, il avait une belle voix capable de vous donner la chair de poule. La chanson bien connue, un morceau de Black Sabath « God is dead » raisonnait entre les murs de la chambre de Sophie. Lorsqu’il s’arrêta, il se retourna vers l’adolescente et lui proposa :

— Tu veux que je te joue autre chose ? Un Led Zep peut-être ? Du classique ?

— Euh ce que tu veux… mais ne comptes pas sur moi pour chanter.

— Dommage… une chanson de ton frère peut-être ? Je te laisse la place, mais je veux t’entendre.

Stan et les autres insistèrent tant que Sophie alla chercher la partition dans la chambre de Mathias, mais devant celle-ci que sa mère avait rangée, son cœur se serra. Elle resta là au milieu de la pièce… avec l’impression de violer l’antre de son frère. Deux mains se posèrent sur ses épaules et la chevelure sombre de Stan effleura sa joue. À quelques centimètres de celle-ci, il lui murmura.

—  Ne t’inquiètes pas il reviendra.

— Je l’espère…

Elle se retourna et le musicien posa une main sur sa nuque et l’embrassa doucement comme sil craignait qu’elle le repousse, mais elle n’en fit rien bien au contraire. Puis elle s’en détacha et prit la partition avant de regagner sa chambre, s’installa devant le clavier, joua le morceau joué tant de fois. Elle se racla la gorge et tenta de retrouver le rythme des paroles… tous se turent et l’écoutèrent. Quand elle eut terminé.

— Mais ta mère a raison, tu as une très belle voix. Tu ne veux pas chanter avec moi ?

— Tu es gentil, mais nonje tai dis je ne chanterais pas devant un public.

— Mais là on est que tous les quatre. S’il te plaît, lui demandatil de ce sourire charmeur qui faisait craquer la gent féminine.

Elle soupira et joua un morceau de Black Sabath : Zeitgeist. Puis dEpica et se laissa convaincre de chanter, bien vite accompagné par le jeune homme. Une fois fini, Stan lui avoua qu’il adorerait chanter et composer des morceaux pour qu’ils chantent ensemble. Il envisageait de chercher une chanteuse pour faire quelques duos et il était certain de l’avoir trouvé.

— Non, je suis désolée. J’aime chanter sous la douche pour ma famille de temps en temps quand Mathias joue, mais c’est tout…

— Dommage, vraiment dommage. Tu as une voix tellement belle et tu es une des rares à parvenir à me suivre. On fait un autre essai ?

Sophie lui laissa la place et le musicien entama divers morceaux de rocks qu’elle connaissait bien pour finir, juste pour le fun et à la grande surprise de ce petit comité il entama le morceau le plus connu de Carmen, habituellement chanté par une femme. Les personnes présentes restèrent sans voix, puis Sophie accompagna StanAu final le musicien était conquis. Il était certain d’avoir trouvé son alter ego musical.

— Ah la vache, mais vous déchiré grave tous les deux !  Ils ont raison faut que vous chantiez ensemble., sortit Pauline.

— On est sur la même longueur d’onde tous les deux, ce serait tellement génial.

— Qu’est-ce que vous faites les filles cet après-midi ? s’enquit Iwan.

— On devait aller en ville faire les boutiques et voir une expo.

— On peut vous accompagner si vous voulez ?

Pauline n’avait aucune envie de rester avec les frères Jarosz, sa mésaventure avec Stan n’était pas si vieille et elle le regardait toujours avec un petit pincement au cœur quant à Iwan elle lui en voulait tout autant.

— On vous accompagne à l’expo et après promis on vous laisse tranquille. Nous on va passer chez le disquaire et Iwan doit aller chercher sa guitare.

Quand les adolescents redescendirent, madame Nguyễn demanda à sa fille si elle rentrait dîner.

— Oui il faut qu’on se prépare avant de sortir… par contre on va manger tôt pour aller au ciné.

— On passe vous prendre si vous voulez, proposa Iwan, on va aussi au ciné ce soir.

— Ah OK, mais on rentrera pas tout de suite on doit retrouver des copines.

— Pas de soucis.

Lan Anh mit les pieds dans le plat, elle tentait de cacher son inquiétude.

— Les filles vont en boîte, je dois venir les rechercher.

— Je peux les ramener je suis le capitaine de soirée, vous avez oublié ?

— Merci c’est gentil à toi Iwan, j’avoue que je suis épuisée et si Mathias revenait pendant qu’il n’y a personne…

— Vous inquiétez-pas je ramènerai les filles.

— Ma sœur aurait pu aussi, ne te sens pas obligé de venir en boîte avec nous, renchérit Pauline peut ravie. Mais elle sentit que la mère de Sophie risquait de changer d’avis pour la soirée si elle insistait après tout elle ne la connaissait pas.

— Ta sœur est revenue pour le week-end ?

— Oui Manon est là, elle repart lundi.

— Ah super, ça fait un bail que je ne l’aie pas vu. Eva va être super contente.

Stan murmura à l’oreille de Sophie qui ne pouvait pas savoir.

— Manon et Eva, notre sœur aînée étaient de grandes copines au lycée.

— Tu… vous avez une sœur ?

— Oui deux sœurs en fait… Eva qui a 25 ans et Alexy qui a 13 ans.

— Et vous ?

— Iwan a eu 20 en août… et moi j’aurais 18 ans en mars.

— 17 en octobre. Je te croyais bien plus âgé, vous faites plus vieux tous les deux.

— Mais tu es encore une petite fille, moi aussi je te croyais plus âgée.

Sophie se retourna le regard furieux et vexée.

— Je plaisante.

Les quatre adolescents s’engouffrèrent dans la Clio et partirent vers le centre-ville non sans avoir fait promettre à Lan Anh d’appeler sa fille si elle avait des nouvelles.

— Il y a un super musée de la musique, tu l’as visité ? demanda Stan à Sophie.

— Non je ne savais pas.

— Je t’y emmènerai si tu veux.

— Avec plaisir.

Iwan se gara sur la place Pierre Petit, proche du jardin Wilson, un beau jardin à la française sur plusieurs niveaux, puis ils se rendirent à une exposition de peinture dans les vieilles rues de la cité médiévale. La petite galerie accueillait une vingtaine de tableaux abstraits colorés. Ils en firent le tour appréciant la beauté des toiles, le geste du peintre. Dès qu’il le pouvait, Stan multipliait les contacts, c’est sous le regard surpris de Pauline qu’il prit d’autorité la main de Sophie dans la sienne. Comme il faisait chaud, il suggéra d’aller boire un pot. Le petit groupe se rendit jusqu’à un des plus grands bars du boulevard de Courtais. La terrasse en ce samedi était pleine à craquer, il ne restait plus que quelques tables libres à l’intérieur dans le fond sur des banquettes de cuir. L’adolescent s’assit près de Sophie et se tourna vers elle pour lui demander ce qu’elle souhaitait boire.

— Tu veux quelque chose d’autre ? Tu as peut-être faim ?

— Non rien merci c’est gentil.

La serveuse déposa bientôt quatre grands verres bien frais devant eux. Sophie jeta un œil gourmand vers le verre de Stan qui avait commandé une de ses boissons favorites : un pink limonade margarita.

— Tu veux goûter ?

Il lui tendit son grand verre et elle attrapa la paille, aspira et fit la grimace face au goût âpre du cranberry et du citron. Un peu surprise, mais elle avait aimé.

— Tu n’aimes pas ?

— Si, mais ça surprend.

— Un peu comme moi, lui répondit-il du tac au tac puis il se pencha et l’embrassa sur la joue.

Une fois désaltéré, le groupe se sépara devant la devanture du bar, Iwan et son frère allèrent au magasin d’instruments de musique et les filles partirent faire du shopping. Les garçons n’étaient plus à portée de voix quand Pauline affirma à sa copine :

— Bin dit donc, il te sort le grand jeu là… Tu vois Stan dans toute sa splendeur.

— Tu te fais des idées, il est gentil, c’est tout !

— Oh que non, je l’ai tellement vu à l’œuvre et n’oublie pas que je suis aussi tombée dans le panneau. Stan sait très bien s’y prendre, c’est un vrai caméléon qui s’adapte en fonction de la personne qu’il a en face de lui.

— Tu sous-entends qu’il profite de la situation, de mon désarroi ? Franchement j’ai autre chose en tête en ce moment que les beaux yeux de Stan.

— Peut-être, mais tu es vulnérable. Fais attention à toi. Je t’aime bien t’es une fille super sympa, ça me ferait de la peine que Stan brise ton petit cœur. C’est un coureur de jupons et visiblement tu lui plais. Et je crois que malgré la situation de ta famille il ne t’est pas indifférent. Après je ne dis pas que c’est le dernier des cons, c’est aussi un mec gentil, mais dès que sa queue prend le contrôle de l’individu… fais en un pote si tu le désires.

— C’est gentil de t’inquiéter pour moi, c’est un peu trop tard.

— Je sais comment il est c’est tout. Si tu en parles avec Justine, ça a tourné au drame.Quest ce que t’as dit ? C’est trop tard ? Ne me dis pas que vous sortez ensemble.

— Si… C’est une de tes copines ?

— Pas plus que ça, elle n’est plus au lycée, mais tu regarderas ses poignées tu comprendras.

— Elle met des manches longues ?

— C’est ça.

****

— Dis donc elle te plaît la petite Sophie, fit remarquer Iwan à son frère.

— Oui…

— Ce serait sympa de ne pas foutre la merde avec son frère, pas certain qu’il apprécie que tu t’envoies sa sœur. J’aime bien cette gamine, elle est différente.

— Oh le bel Iwan tomberait-il sous le charme asiatique ?

— Je reconnais qu’elle ne me laisse pas indifférent, mais trop jeune pour moi… dans quelques années quand elle sera majeure, peut-être. Je sais aussi comment les filles te tombent dans les bras.

— Parce qu’aucune ne craque pour toi peut-être ?

— Si bien sûr, mais je te rappelle notre code pour le bien du groupe.

— Oui, mais Sophie c’est différent, je craque pour elle. Vraiment, je ne sais pas, je ne comprends pas trop ce qui m’arrive !

Les frères Jarosz arrivèrent devant le magasin, ils entrèrent et se dirigèrent vers le comptoir pour récupérer la guitare en réparation de Iwan.

****

— Tu ne vas peut-être pas mettre ces bas de laines ce soir, tu risques d’avoir trop chaud… si on te trouvait de beaux collants pour aller avec tes fringues… et quelques accessoires ? Ta tenue est sympa, mais ça manque de petits trucs. Bracelets, collier, bagues. Des boucles d’oreilles… chez un perceur on devrait trouver.

Sophie comme la plupart des filles avait les oreilles percées, mais aussi un discret piercing au nez qu’elle avait obtenu en travaillant ses parents au corps surtout sa mère. Après avoir fait plusieurs magasins, les deux adolescentes trouvèrent ce qui plaisait à Sophie.

— Lâche-toi un peu… fais-toi vraiment plaisir.

— Élo m’a suggéré de me faire faire une coloration opale.

— C’est joli, mais il faudra te décolorer les cheveux à blanc avant… avec tes cheveux noirs, c’est plus difficile. Et si on te trouvait quelques extensions ? Ça pourrait être cool, non ? Et si vraiment une colo opale te tente, essaie avec une perruque avant.

— Bonne idée.

Les filles ramenèrent chez Sophie tout un attirail : du maquillage, des extensions rouges pour ses cheveux, des bijoux et des bas satinés couleur chair et des noirs fins, après avoir fait un petit crochet par la maison de Pauline afin de ramener ses affaires chez Sophie.

Épuisée, madame Nguyễn s’était endormie sur le canapé, son smartphone posé près delle. Les filles montèrent à l’étage.

— Si tu veux tu peux utiliser la salle de bain de mon frère, comme ça pendant ce temps-là je prends ma douche ici.

Sophie donna une serviette et une éponge de bain à son amie et chacune partit se doucher et se préparer. Pauline aida sa copine à se maquiller selon les conseils que leur avait donnés la vendeuse du magasin. Les couleurs chaudes et le grand trait deye-liner noir magnifiaient ses yeux sombres. Elle avait refusé le rouge intense pour un lipstick plus discret un ton au-dessus de la couleur de sa bouche.

— Tu es magnifique. J’adore te maquiller !

— Oui, mais je vais devoir en remettre après mangé.

— En effet, mais finalement tu as eu raison, le rouge carmin aurait été de trop sur toi. Le petit tour de cou rouge était vraiment une bonne idée, le mélange noir et vermillon te va à ravir. Tu es vraiment superbe… non pas que tu le sois pas avec tes tenues habituelles. Demain, je te montre quelques sites tu verras il y a de belles choses qui devraient te plaire.

Pauline toujours égale à elle-même arborait une tenue noire rehaussée de sa couleur fétiche : le fuchsia. Elle posa les extensions d’un rouge sombre dans la chevelure de jais de Sophie, recula un peu.

— Géniale, je prends une photo !

Elle sortit son smartphone et invita Sophie à faire le top model pour elle. Pauline la mitrailla tandis que l’autre adolescente jouait le jeu.

— J’espère qu’on n’aura pas un drame ce soir… Justine nous rejoint en boîte. Avec Stan ça risque de faire des étincelles. Tu verras elle est un peu spéciale. Je crois qu’elle n’a pas trop le droit de l’approcher, enfin si elle est là !

La voix de Lan Anh les appelant pour manger retentit.

— Ah je crois que ma mère s’est réveillée. Oh punaise,  tu as vu l’heure on va finir par être en retard.

Elles dévalèrent l’escalier et s’attablèrent devant un ensemble de compositions diverses, des salades, du riz blanc et des boulettes de poulets épicés qu’elle s’était fait livrer dans l’après-midi.

— Quest ce que c’est bon !

— Maman ! Un jour il faut que tu nous fasses une grillade, tu verras Pauline c’est juste divin. Tu es sûr que ça ne te dérange pas de rester seule ?

— Non ma chérie va t’amuser avec tes amis ! Tu devrais aller te laver les dents les garçons ne vont pas tarder.

Et en effet, Sophie et Pauline se repassaient du rouge à lèvres quand la sonnette retentit.

— Attends, je te remets une mèche en place.

Lorsque Sophie apparut sur la mezzanine, prête à descendre l’escalier le regard des deux jeunes garçons suivirent le moindre de ses gestes. Ils remarquèrent tout depuis les cheveux bouclés au fer à lisser, les extensions rouges encadrant son visage légèrement maquillé, la tenue sexy, ses jambes mises en valeur par les chaussures à plateforme. À cet instant Stan ne rêva que dune chose l’effeuiller, l’embrasser et faire l’amour avec cette jeune fille qui le troublait tant. Son frère Iwan malgré ses affirmations quelques heures plus tôt oubliait que Sophie n’avait que seize ans et lui aussi nourrissait un désir qu’il peinait à cacher.

Madame Nguyễn la suivit aussi du regard et se dit que sa petite fille avait bien grandi et n’était décidément plus une enfant.

— Tu es belle ma fille, fais attention à toi. Avant qu’ils ne partent tous les quatre, un peu inquiète, elle demanda aux garçons de prendre soin delle.

Stan s’était faufilé à l’arrière de la Clio, assis près de Sophie, il en respirait le parfum fleuri. Il repensait à ce que son frère lui avait dit et demandé. Mais il se demandait comment pourrait-il résister à l’envie d’embrasser la jeune fille dont la métamorphose n’avait qu’ajouté à son trouble. Ils ne trouvèrent pas de place à proximité du cinéma aussi e groupe dû remonter une partie du boulevard, les gens qu’ils croisèrent se retournèrent sur les deux jeunes filles, elles se firent même sifflée, et agacé Stan jeta un œil furibond à l’inconvenant. Face à la stature du jeune homme et de son frère, l’impoli préféra tourner les talons et se faire oublier néanmoins les regards se firent insistants. Il passa son bras autour des épaules de Sophie. Plus pour faire comprendre qu’elle n’était pas seule que pour autre chose, mais il lui demanda quand même :

— Tu n’as pas froid ?

— Non ça va.

Iwan prit les places pour tout le monde puis ils entrèrent dans le cinéma et regagnèrent la salle, Sophie et Stan se retrouvèrent cote à côté isolés d’Iwan et Pauline restés ensemble. Peu de temps après leur installation, la salle fut plongée dans le noir et le film commença, un film ayant pour thème un monstre créé sur Internet devenu une légende urbaine. De temps à autre Stan jetait un regard de biais à l’adolescente assise à ses côtés. Quand il lui prit la main, elle le laissa faire même quand il la serra un peu plus fort. L’adolescent se pencha vers elle et lui déclara doucement qu’il la trouvait bien jolie ainsi. Il ferma les yeux et ses lèvres effleurèrent la joue de Sophie. Le contact de ses lèvres sur sa peau était doux, le souffle chaud de Stan agréable. Le copain de son frère lui plaisait, elle avait aimé cet instant où ils avaient chanté ensemble, ces moments où il faisait preuve d’attention, sa gentillesse de la veille, ce soir elle avait envie d’apprécier le moment présent, demain il serait temps d’y repenser. Elle se sentait bien avec lui. Quand le film fut fini, les deux jeunes gens ressortirent du cinéma la main dans la main, même lorsque Pauline leur fit les gros yeux. Stan passa son bras autour de sa taille et le groupe se dirigea vers le bar le plus proche avant de se rendre en discothèque et rejoindre les amis de Pauline et ceux des deux frères. Assis à côté de Sophie, Stan posa sa main sur sa nuque, ce contact ténu, presque une caresse était fort agréable, la jeune fille se laissa aller sous les doigts légers. À ce moment-là ils avaient envie d’être seuls. Quand ils repartirent, le couple se laissa distancer dans les petites rues de la vieille ville par Iwan et Pauline, quand ils furent suffisamment loin Stan s’arrêta, enlaça l’adolescente tandis qu’elle passait ses bras autour de son cou. Les lèvres du jeune homme effleurèrent d’un baiser celles de Sophie. C’était un baiser doux et tendre interrompu par Iwan, mécontent que son frère n’ait pas écouté ce qu’il lui avait dit plus tôt dans la journée.

— Mais qu’est-ce que vous foutez !?

C’est à regret qu’ils se détachèrent l’un de l’autre. Main dans la main, ils retournèrent à la voiture. Sophie gardait la sensation de ce baiser sur ses lèvres, elle ferma les yeux pendant que Stan serrait sa main, assis à côté delle à l’arrière de la Clio, la tête de la jeune fille sur son épaule.

Lorsqu’Iwan gara la voiture à proximité de la boîte, ils le laissèrent ainsi que Pauline s’éloigner un peu. Stan en profita pour enlacer Sophie et la plaquer contre lui, il l’étreignit fermement passant ses mains sous le top en tulle. Elle répondit à ses baisers avec la même faim, le cœur tambourinant, les jambes un peu flageolantes.

— Sophie…

Elle reconnut à peine le timbre de sa voix devenu si roque. Elle sarcbouta contre lui se laissant aller à cette étreinte. Malgré les mises en garde, Sophie s’abandonna complètement aux lèvres et aux mains de Stan. Le contact de celles-ci sur la peau de son dos, la multitude de baisers dans son cou, la pointe de sa langue chaude et humide la faisaient frissonner, quant à lui il n’était plus quepar ses émotions et ses désirs. Sophie lui faisait éprouver une foule de sentiments jusqu’à alors inconnus. Stan la repoussa, il était hors de question qu’il se laisse dominer par ses envies, pour la repousser il dut faire un effort surhumain, sinon il craignait de ne plus rien maîtriser et il ne voulait surtout pas allonger la jeune fille sur le capot de la voiture ou l’entraîner sur les rives du Cher à peine à quelques centaines de mètres de là. Comme la veille, il avait fini par reprendre le contrôle, surpris par tout cela. Lorsqu’ils se séparèrent, le regard qu’ils échangèrent disait plus de choses que les mots qu’ils avaient tus. Il caressa la joue de la jeune fille, le coin de cette bouche qu’il venait à peine de quitter et qu’il rêvait de sentir sur lui.

— Viens, allons rejoindre les autres !

Il la prit par la main, et le jeune couple se dirigea vers l’entrée où les attendaient son frère avec une bande d’adolescents et de tout jeunes adultes.

Parmi les jeunes gens les patientant devant l’entrée de la discothèque en forme de diamant et aux murs d’un bleu foncé ; Stan remarqua Justine. Quand leurs yeux se croisèrent, tous deux se crispèrent. La main de Sophie dans la sienne le sortit de ses pensées. Il n’était franchement pas ravi de voir cette ancienne petite amie, leur relation s’était mal terminée, et il s’avouait qu’il appréhendait les réactions de la jeune femme envers Sophie. En effet, après leur rupture, Justine avait refusé la vérité, elle l’avait poursuivi, harcelée, elle s’était même montrée fort désagréable avec ses petites amies suivantes… il en avait eu assez de ses manières à tel point que le jeune homme avait déposé une main courante au poste de police à son encontre. En l’apprenant, Justine s’était ouvert les veines. À cet instant, elle posait un regard insistant sur la jeune fille à ses côtés. Stan lâcha la main de l’adolescente pour passer son bras autour de sa taille d’un geste possessif et protecteur.

Le groupe entra et s’installa dans les fauteuils de la salle réservée à la musique actuelle. La décoration d’inspiration baroque plaisait à Sophie et c’est en balayant les lieux du regard qu’elle remarqua Justine qui la fixait. Stan lui jeta une œillade assassine, espérant qu’elle détournerait les yeux, mais au lieu de cela elle le fixa à son tour. Sophie la trouvait jolie avec ses cheveux décolorés et teintés d’argent presque blanc et sa mèche noire. Cette fille avait un look d’enfer, grande aux longues jambes et au corps sculptural, une poitrine bien ronde et des yeux en amandes d’un bleu intense. Sophie ne comprenait pas que Stan ait pu préférer une fille comme elle ou Pauline alors qu’il pouvait avoir une fille si belle.

Agacé le jeune homme se leva et la prit par la main.

— Viens, on va danser… Peu de gens s’agitaient sur la piste, la boîte à, à peine minuit passé était encore peu fréquentée.

Il prit Sophie par la taille, la souleva et la fit virevolter avant de la serrer contre lui pour l’embrasser d’un baiser doux et furtif. Les autres les rejoignirent sauf Justine qui continuait à suivre le moindre de leurs mouvements. Stan s’avança vers Pauline, il lui prit le bras un peu rudement et lui demanda ce que Justine fichait là.

— Tu ne te rappelles pas ? Justine est une copine, si tu n’avais pas joué avec elle comme avec toutes les filles que tu baises, tu ne te poserais pas la question. Avec Sophie aussi, tu vas jouer combien de temps ? Jusqu’à ce que tu obtiennes ce que tu veux et à ce que j’ai pu voir, ça ne devrait pas tarder. T’es vraiment un enfoiré Stan, gentil, mais un putain d’enfoiré.

— Je n’y peux rien si vous vous faites toutes des idées, on passe du bon temps et on passe à autre chose. Justine est une vraie folle, je te préviens que si elle touche un cheveu de Sophie, je lui tords le cou. Normalement, elle ne devrait pas être là, je l’ai prévenu si elle me casse encore les couilles, je demande une mesure d’éloignement.

Pauline rejoignit sa copine restée assise, elle posa une main rassurante sur l’avant-bras de Justine et le serra doucement jusqu’à ce qu’elle se retourne vers elle.

— Laisse tomber Justine, il n’en vaut pas la peine.

— Mais tu ne comprends rien, je l’ai dans la peau, je ne pourrais jamais l’oublier, et cette garce qui se colle à lui.

— Justine ! lui dit elle sur ton de reproche, Sophie est mon amie, laisse-là sil te plaît c’est une chic fille, elle n’est en rien responsable de ce que t’a fait Stan, ce qu’il fait à toutes les filles et crois-moi bientôt ce sera le tour de Sophie qui n’a rien écouté de mes conseils.

Lorsque Sophie se rendit aux toilettes, Justine l’y suivit. Quand elle sortit de sa cabine, la fille l’attendait appuyée contre les lavabos. Stan l’avait prévenu qu’elle était complètement folle et de faire attention. Sur le coup elle pensa sortir sans passer par l’épisode lavage des mains pour fuir cette fille qui ne cessait de la fixer, mais le bras de Justine lui barra le chemin.

— Alors c’est toi la nouvelle ?

— Laisse-moi passer, sil te plaît.

— T’inquiètes, tu peux te laver les mains, j’ignore ce que tu t’imagines, mais je ne vais pas te faire de mal. Pendant que Sophie dirigeait ses mains vers le robinet, Justine continua, J’aime Stan, je suis complètement folle de lui. Mais je sais comment cela va finir, il me regarde même plus et bientôt ce sera ton tour. Ne le laisse pas te détruire. Regarde ce qu’il m’a fait !

À ces mots Justine retroussa les manches longues de son Tshirt blanc pailleté d’argent et Sophie découvrit de longues marques bien vilaines remontant du poignet vers l’intérieur de son coude. Elle déglutit en voyant les cicatrices laissées par la tentative de suicide de cette belle jeune femme plus âgée qu’elle-même. Il drague toutes les belles filles qu’il rencontre et dès que la pauvre victime lui offre ce qu’il voulait, elle n’est plus bonne à rien. Tu n’imagines même pas le nombre de filles que j’ai vu lui tomber dans les bras depuis notre histoire. Il était en seconde et moi en terminale… depuis je n’arrive pas à me le sortir de la tête… Stan est si

— Est si quoi ? demanda Sophie.

— Tu comprendras quand tu auras passé un peu plus de temps avec lui, quand il t’aura fait gémir comme une dingue. Il paraît que sa première fille était une femme bien plus âgée et que lui, il avait 14 ans et que depuis il change sans cesse… Stan va avoir 18 ans, imagine le nombre de filles qu’il a baisées et trahies depuis

— Mais…

Justine se rapprocha et posa une main aux longs ongles artificiels d’un blanc nacré sur son épaule, elle serra un peu et continua…

— Laisse-le ! Stan est à moi, dès qu’il aura obtenu ce qu’il veut tu ne l’intéresseras plus… tu es une gamine, je me demande ce qu’il te trouve. Elle se rapprocha encore un peu plus terrifiant Sophie. Le charme de l’Asie sans doute, l’envie de trousser une oie blanche. Il est à moi, tu m’entends ?

— Oui, murmura à peine l’adolescente effrayée.

Justine se fit de plus en plus menaçante, mais Sophie paralysée n’osait ni bouger ni crier. Stan surgit dans les toilettes pour dames et attrapa l’adolescente par le bras non sans hurler sur Justine de les laisser tranquilles. Il fit sortir Sophie en la priant de l’attendre qu’il arrivait dans un instant.

— Tu l’approches encore une fois et tu vas le regretter, crois-moi !

Le visage de Justine changea brusquement, elle adressa un sourire charmeur au jeune garçon, elle passa les bras autour de son cou et se serra contre lui, lascive, sensuelle.

— Stanje t’aime, laisse ces petites gamines… reviens-moi.

Il desserra l’étreinte de Justine, mais celle-ci en profita pour l’embrasser laissant une pellicule d’argent sombre sur ses lèvres.

— Fous-moi la paix, tu es complètement folle ma pauvre Justine faut vraiment te faire soigner ! affirma-til en la repoussant d’un geste sec.

Il tourna les talons sans attendre de réponse et s’en alla rejoindre Sophie qui l’attendait assise en compagnie d’Iwan sirotant un cocktail sans alcool. La jeune fille remarqua tout comme son frère les marques de rouge à lèvres argenté que Justine avait laissé, les paillettes sur sa joue. Le cœur de Sophie se serra, elle ne dit mot, mais préféra rejoindre Pauline sur la piste. Iwan fit signe à son frère et comme celui-ci ne comprenait pas, il se leva et se pencha vers lui.

— Tu ferais bien d’essuyer les marques laissées par Justine, je doute que ce soit du goût de ta copine.

— Oh merde !

Stan s’expulsa vers les toilettes pour hommes, devant la glace il remarqua les traces grises sur ses lèvres, sur sa joue, les petites paillettes sur le col de sa chemise. Il maudissait Justine qui décidément ne comprendrait jamais que c’était fini entre eux depuis plus d’un an. Quand il sortit des WC, il chercha Sophie du regard. Elle était ni sur l’un des fauteuils ni sur la piste, il alla voir au bar et dans les deux autres salles en vain. Il remarqua alors que son frère n’était plus là. Il alla voir Pauline et lui demandails se trouvaient.

— Ton frère l’a ramené chez ellet’es qu’un con. Si tu arrêtais de courir après tous les culs qui passent, ça n’arriverait pas.

Stan prit son téléphone et envoya un SMS à son frère et un autre à Sophie, mais aucun des deux ne lui répondit. Iwan ne lui avait pas caché que la jeune fille lui plaisait, il s’imaginait déjà que celui-ci en profitait pour la consoler.

« Iwan réponds-moi !

Où êtes-vous ? »

Le téléphone demeura silencieux.

****

Lorsqu’Iwan vit les larmes couler en silence sur les joues de Sophie il gara la Clio sur le trottoir. Il sortit un paquet de mouchoirs en papier de la boîte à gants et le tendit à sa passagère.

— Je suis désolé… Stan

— Elle m’a menacé, elle m’a dit des horreurs et lui il revient avec toutes ces marques… que voulais-tu que je pense ?

— Il ne faut pas l’écouter. Elle est complètement folle. Si tu veux, on ira au poste de police demain… Il a déjà porté plainte contre elle. L’histoire entre Stan et Justine c’est du passé, il y a plus d’un an qu’ils ne sont plus ensemble et crois-moi, elle lui a mené la vie dure. Après une main courante, mes parents voulaient porter plainte pour harcèlement ; elle ne devrait plus avoir le droit de l’approcher, c’est une vraie obsession pour elle. Mais Stan est trop gentil, il dit qu’elle est juste malade et qu’elle a besoin de se faire soigner et qu’il ne veut pas l’envoyer en prison ni lui faire du mal. Je ne sais pas si mon frère s’en rend vraiment compte mais Justine est une vrai obsédée par lui, tu verrais les photos qu’elle pote sur Facebook sur son profil.  Remarque elle fait vachement de pub pour le groupe du coup…

— Tu ne crois pas que je les ai déjà assez vus les flics avec mon frère. Tu ignores paron est tous passés depuis plus de trois ans.

C’était la goutte de trop, Sophie libéra tout ce qu’elle avait sur le cœur. Les cris de son père, les larmes de sa mère, les crises de Mathias, le voir sombrer, les soirées sans nouvelles, les flics, les perquisitions. La méchanceté de Kim. Sa tentative de suicide.

— Heureusement il y avait Élodie.

— Élodie ?

— C’est ma meilleure amie, sans elle je ne sais pas ce que je serais devenue… chaque jour elle a été là, mes parents ne se sont jamais posé la moindre question à mon sujet, est-ce que tout cela ne m’affectait pas, moi la parfaite petite adolescente, studieuse. J’ai dû tout supporter… sans jamais rien dire. Je ne supporte plus mon père qui crie sans arrêt sur mon frère, ma mère qui voudrait qu’on soit parfait, je suis même étonnée d’avoir pu sortir et qu’elle n’ai pas jeté Pauline. Tu sais Mathias c’est un gentil… mais il a de gros soucis avec la drogue, du moins il en avait et mon père sans cesse remet ça sur le tapis, ce ne sont que des reproches. Il est parti et pourquoi je ne suis pas surprise. Ma mère n’est pas mieux, elle est toujours là, à tout surveiller, tu bouges une oreille et elle trouve à redire. J’en peux plus de tout ça.

Iwan la laissa parler, il écouta sans l’interrompre pendant des heures. Puis ils se rendirent compte que les heures étaient passées, la boîte fermait dans une demi-heure. Iwan devait ramener une partie des jeunes et son frère. Stan avait cessé d’envoyer des textos depuis longtemps.

— Il faudrait que je te ramène, ta mère va se faire du souci.

— Tu pourras dire à Stan de me laisser tranquille, je ne veux plus le voir.

— Je préférerais que tu le lui dises toi-même.

— Comprends-moi, les amis de mon frère n’ont jamais fait qu’apporter des ennuis. Je t’aime bien Iwan, ton frère aussi, maistu le vois bien, j’ai déjà donné avec Kim, je ne veux plus vivre ça et Justine ne me lâchera pas. Cette fille me fiche la frousse… elle est malade.

— Je comprends, même si j’ai bien envie de te dire de ne pas te laisser pourrir par cette dingue. Elle devrait se faire soigner. Si j’étais à ta place, je ne baisserais pas les bras, mais je ne suis pas toi. Quest ce que tu éprouves pour mon frère ?

— En effet. StanStan me plaît beaucoup, mais je n’ai pas envie d’être une énième conquête de ton frère ou de toi. 

Iwan ne répondit rien, un peu vexé, démarra et se dirigea vers le quartier Saint Jean. Avant de descendre de la voiture, Sophie l’embrassa sur la joue et lui promit de le tenir au courant si elle avait des nouvelles de son frère, mais le pria de ne pas revenir.

La maison plongée dans le noir était silencieuse, elle trouva sa mère endormie sur le canapé. La jeune fille déposa un plaid bleu sur le corps endormi et monta à l’étage. Le bip caractéristique d’un nouveau message arriva, un MMS envoyé depuis le smartphone de Stan, en réalité c’était le second qu’elle recevait. Elle ouvrit le message et découvrit une photo, probablement un selfie du jeune homme dans les bras de Justine, le second lui était sans équivoque… on y voyait une petite vidéo d’un Stan a demi-nu, allongé et la main dune femme aux ongles nacrés posés sur son ventre, descendre vers la ceinture et défaire son pantalon. Le petit film s’arrêtait là. Sophie sentit son estomac se nouer, les larmes lui monter aux yeux. Elle jeta le téléphone sur son lit et courut vers la salle de bain où elle s’expédia sous la douche. La jeune fille pleura longtemps. Quelques heures plus tôt, elle en avait parfaitement conscience, si Stanislas l’avait désiré, elle lui aurait donné ce qu’il aurait voulu, pour lui elle s’était sentie prête à s’abandonner. Pourtant ils se connaissaient depuis peu, mais Stan avait sur elle un effet inattendu, qu’elle découvrait, il n’y avait pas que du désire elle avait envie de plus que ça. La soirée avait été intense si intense…

— Stan… murmura-telle pour elle-même.

Le souvenir de ses lèvres, de ses mains, de son parfum faisait renaître toutes les sensations éprouvées au cours de la soirée dans ses bras. Toutes les paroles de Pauline prenaient leur sens. Elle laissa l’eau couler sur son visage jusqu’à ce que plus aucune larme ne coule, elle se lava, sécha ses cheveux et avant d’aller éteindre la lumière, elle effaça tous les messages de Stan sans les lire.

Catégories : Children of Styx

2 commentaires

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.